Scénario et dessin : Bastien Vivès
Éditeur : Casterman
Sortie : 31 août 2022
Genre : Intimiste, Roman graphique
Il est une tendance un peu énervante dans la bande dessinée contemporaine francophone, c’est celle de vouloir absolument proposer des récits dont le héros, ou l’anti-héros, serait une version méprisable de l’auteur de bande dessinée. Mais, bon sang, laissez-le tranquille ce pauvre homme blanc, la cinquantaine bien trempée, looser patenté qui mène une vie solitaire et dont la bedaine témoigne d’un certain laisser-aller ! Si, à chaque art sa caricature, on peut dire que le bédéiste n’a pas tiré le ticket gagnant face à ses rivaux l’écrivain romantico-dépressif et le peintre excentrique et coloré. Mais soit. Il faut bien le lui reconnaître, même avec un sujet éculé, Vivès est inventif. Finalement, ne dit-on pas qu’il n’y a pas de bonnes histoires, seulement des bonnes manières de les raconter ?
Avec Dernier week-end de janvier, c’est le retour d’un des auteurs les plus en vogue de sa génération, qui s’est fait connaître pour la justesse de ses personnages, l’extravagance de leurs mensurations et pour ses cases silencieuses qui semblent tout dire. Après avoir prouvé qu’il est un artiste polyvalent, capable de passer du manga avec Lastman à l’appropriation d’un monument du neuvième art comme Corto Maltèse, Vivès revient aux sources, avec une manière de faire récit qui s’apparente à celle son premier opus ; Le goût du chlore. De nouveau, il est question d’une relation pudique, silencieuse, qui se déploie dans la légèreté d’un bref instant. Bastien Vivès parvient à rendre l’adultère si délicat qu’il ne nous paraît plus condamnable, s’apparentant presque plus à un écart fantasmé que consommé.
Une courte idylle
Denis Choupin se rend comme chaque année au festival international de la bande dessinée d’Angoulème, célébration du petit monde très fermé du neuvième art, pour dédicacer la saga dont il est le dessinateur ; Opération Hitler. Au programme ; rencontres, conférences et l’éternelle négociation de la vente d’originaux. Rien de sensationnel. D’ailleurs Choupin ne semble pas vraiment s’intéresser à cette comédie, jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre de Vanessa, une belle ORL, à la poitrine généreuse (mais est-il vraiment nécessaire de le préciser ?). Tous deux mariés, ils vont vivre une idylle qui ne durera que le temps du festival.
Tous des carricatures?
Si Choupin est le prototype même du vieil auteur, celui qui a consacré sa vie au dessin minutieux de chars d’assaut – c’est à tous les Choupins du monde que Vivès s’adresse quand il dit « La bande dessinée n’est-elle pas l’art des petits garçons tristes ? » – il est heureusement loin d’être la seule caricature du lot. De la représentation du mari bourgeois que la prétention rend idiot, à celle de sa femme Vanessa, effacée et malheureuse, en passant par les marchands grossiers qui pensent que tout leur est dû et les jeunes auteurs trop artys, tout le monde en prend pour son grade. Mais si Vivès grossit les traits, il ne condamne pas. Et on finit par ressentir de l’affection pour ces personnages, parodies d’eux-mêmes.