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    [Avignon OFF 2022] Mon visage d’insomnie au Théâtre 11

    De Samuel Gallet, mise en scène de Vincent Garanger, avec Cloé Lastère, Didier Lastère et Djamil Mohamed Au Théâtre 11 à 18h30 du 7 au 29 juillet (relâches les 12, 19 et 26 juillet).

    Nous sommes dans un petit village en bord de mer, dans un centre pour jeunes migrants. Tous sont partis à la montagne. Seuls restent Harouna, 16 ans, et Elise, son éducatrice de 25 ans. Il ne voulait pas partir suite à la fugue de son ami Drissa. Elle est restée pour s’occuper de lui. Entre temps, un nouvel éducateur est attendu. Un certain André arrive, la cinquantaine. Il semblerait que ce soit le nouveau.

    Le public se retrouve directement dans le centre d’accueil. Le décor est fascinant, terriblement vrai. Et les couloirs qui mènent jusqu’à la salle de théâtre collent parfaitement avec l’ambiance des lieux. Au fond de la scène, un immense écran qui projette l’image d’une baie vitrée donnant sur la mer. Autant dire que cela ne fait aucun doute, nous sommes bien à quelques mètres de la plage. On sentirait presque les gouttelettes transportées par le vent sur notre visage.

    Mon visage d’insomnie est un thriller qui prend ses marques sur un fait bien réel. La crainte de l’étranger. Celui qui arrive chez nous, que l’on ne connait pas et de qui on se méfie. Le prisme utilisé dans ce récit donne un tout autre aspect à cette peur de l’autre. L’angoisse et la méfiance nous prennent aux tripes dès les premières minutes. On ne sait pas en quel personnage on pourrait avoir confiance. Les dialogues et questions amenées amplifient cette angoisse.

    Djamil Mohamed propose un jeune adolescent tout à fait crédible. Dans le moindre de ses gestes, de ses mots et de ses silences, on ressent toute la colère d’un passé lourd, d’une histoire encore douloureuse, mêlée à une hargne envers la vie. Le courage d’avancer et de tout faire pour ne pas sombrer, malgré une paranoïa qui le suit comme une ombre au soleil.

    Cloé Lastère incarne une éducatrice en colère, énervée par le système, par la vie, par son propre besoin d’empathie. Si ses sauts d’humeur sont peut-être trop soudains, elle reste malgré tout touchante dans l’évolution de son personnage. L’ambiguïté de ses sentiments ajoute de la tendresse à sa furie.

    André, joué par Didier Lastère, pourrait être n’importe qui. Ou plutôt, ce père boomer qui fait naître la honte à ses enfants ou ses proches à la moindre mauvaise blague. Mais l’est-il vraiment ? Est-ce un rôle joué par le personnage ou le personnage lui-même ? Chacun de ses propos, chacune de ses avalanches de questions ajoutent du malaise à la situation. Ce qui n’arrête aucunement ces gestes ou ces mots embarrassants, bien au contraire. Jusqu’au bout, cet André nous mettra mal à l’aise.

    L’intrigue est cohérente, le public joue les enquêteurs à la recherche du vrai et du faux, des vraies craintes et des fausses suspicions. La chute parait peut-être trop grosse et arrive avec de gros souliers dans le récit mais elle reste crédible et emporte avec elle tout le récit, comme les vagues de cette mer tourmentée qui ne cesse de s’écraser sur les fenêtres de la baie vitrée au fur et à mesure de la pièce.

    Nous pensions venir voir une discussion sur l’immigration, sur la jeunesse migrante. Nous avons découvert une autre façon d’aborder la crainte de l’autre, qu’il nous veuille du bien ou non.

    Christophe Mitrugno
    Christophe Mitrugno
    Journaliste du Suricate Magazine

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