De Maggy Jacot et Axel De Booseré, avec Astrid Akay, Mireille Bailly, Fabian Finkels, Pénélope Guimas, Loriane Klupsch, Colline Libon, Fabrice Schillaci, François-Michel Van Der Rest et les danseuses de ONE NATION CREW : Roxane Hardy, Ntela Hendrickx, Eléni Kulczar & Alexandra Singa Boyenge. Du 17 mai au 25 mai 2022 au Théâtre des Martyrs.
Qu’est-ce que vous faites là ? Cette question destinée au public ouvre la pièce. Plus qu’une invitation à participer, elle introduit théâtralement les concepts de singularité et de collectivité. En effet, chacun est là pour assister à une pièce de théâtre, mais avec des motivations différentes : attrait pour le monde culturel, connaissance d’un acteur, devoir marital, etc. Le script de 1h20 est découpé en plusieurs saynètes : jardiniers laconiques et rêveurs, présentateurs télé canadiens, youtubeuses et jeunes cadres dynamiques en pleine réunion viennent mettre en image la place des individus au sein du groupe.
Ces petits sketchs constituent la parabole des maux d’une société qui ne peut se détacher de la masse et qui a du mal à assumer ses convictions personnelles, poussée par une pression constante. Que cela soit dans des activités extérieures où le corps semblent soumis à une cohésion maladroite, dans le cadre de l’intime où les rituels beautés se construisent en miroir, dans la sphère politique ou encore dans la direction d’une grande entreprise ; chaque individu évolue en parallèle aux autres, mettant parfois de côté son originalité propre.
Le Codir est un cadre idéal pour exposer nos conflits internes et externes et les paradoxes qui animent l’être humain. Les rôles sont bien définis dès le début, de l’humaniste authentique (Loriane C Klupsch) qui prêche la valorisation des petits salariés à la froide collaboratrice (Mireille Bailly) qui n’hésitera pas à licencier des gens pour lâcher du lest car trahir c’est grandir. 15 000 employés, quelques personnes pour décider de leur sort, les échelles sont données et permettent de visualiser la dimension illusoire du cas par cas et l’effacement progressif de l’individualité. Pour contrebalancer tout ce flegme administratif et cette quête du superficiel, un personnage fantasmagorique mi-lutin mi-humain joué par Astrid Akay vient incarner l’onirisme et la gaieté dans le monde matériel et ennuyeux des adultes. Une médiation clownesque qui ramène le script sur un plan poétique et rappelle le traditionnel théâtre de rue tout comme l’intervention d’un groupe de breakdance féminin clôture la pièce sur une note de culture urbaine.
Aidés par une mise en scène travaillée – rideau argenté, panneau vertical découpant différents plans et costumes élaborés – texte et décor créent un ensemble divertissant en convoquant des interrogations qui résonneront en chacun. Cependant, un petit manque d’originalité et une impression de superflu freinent l’aboutissement de la représentation. A-t-on besoin de revenir sur l’aspect sphérique de la Terre ? La caricature de l’influenceuse peroxydée dans la veine de Scary-Movie est-elle toujours d’actualité ? Malgré cette impression de redondance, les comédiens portent la pièce jusqu’au bout et y mettent toute leur énergie, ce qui dissipe les défauts de profondeur de cette fable un brin moral.