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    Bella Figura : divagation vaudevillesque et faux-semblants

    De Yasmina Reza, mise en scène de Michel Kacenelenbogen, avec Janine Godinas, Nicolas Buysse, Jeanne Kacenelenbogen, Michelangelo Marchese, Nicole Oliver. Du 13 mai au 25 juin 2022 au Théâtre Le Public.

    Sur scène, le décor simple est composé de trois tableaux, disposés sur un plateau qui – on le comprend vite – va tourner au rythme des scènes : d’un côté une Twingo jaune, de l’autre la table d’un restaurant chic. Au centre, un monolithe sombre qui se révélera tour à tour rideau entre les scènes, toilette et espace tampon. Le plateau tournera pour nous laisser apprécier la chorégraphie des corps qui se déplacent dans un temps intermédiaire, sans dialogue. Dans la petite voiture jaune, une dispute conjugale à lieu. Boris a eu la maladresse de révéler à son amante, Andréa, que l’enseigne où ils se rendent a été conseillé par sa femme. Accaparé par ses problèmes financiers il ne comprend pas ce qui gêne sa jeune maîtresse qu’il a fait l’effort de sortir au lieu de la conduire directement à l’hôtel. Entre rapport de force et masques qui tombent, l’humain, ses contradictions et ses différentes facettes seront mise en scène sur un ton léger.

    L’époque est difficile à définir, la chronologie flotte dans un passé récent. La situation est un classique du théâtre de boulevard. Quand les amants se décident enfin à rejoindre le restaurant et qu’ils tombent sur Françoise, la meilleure amie de la femme de Boris, les choses se compliquent. La jeune femme n’est plus prête à rester dans l’ombre et à s’effacer pour que son amant puisse garder la face. De quiproquos en quiproquos, de verre d’alcool en cigarette, ses réparties bien senties vont faire exploser la retenue policée des deux familles bourgeoises aux vies bien moins rangées qu’ils ne veulent le laisser croire. S’ils craquent tous, un par un, en voyant un pan de leur monde se briser, cette dernière y voit au contraire de plus en plus clair, pour le plus grand plaisir de la belle-mère du technocrate charmeur et vantard, Éric. Janine Godinas est jubilatoire dans son rôle de femme factieuse déconnectée de l’âge des convenances et qui ne cherche que l’ivresse, en partie dans le tempérament de feu d’Andréa. Car Andréa n’est pas du même milieu social, elle est plus jeune, elle parle fort quand les autres préfèrent se taire. Elle rit, elle pleure et met à jour les hypocrisies latentes, à la fois comme un objet de distraction et une source de désordre. Elle semble également avoir besoin de subterfuge pour fuir la réalité. Boisson et fumée lui permettent d’oublier sa condition de préparatrice pharmaceutique perdue.

    La critique est légère, la célèbre Yasmina Reza nous livre ici une comédie de mœurs bien plus drôle et divertissante que la situation de son personnage principal. On passe un moment agréable grâce à des protagonistes qu’on prend plaisir à voir perdre la face si l’on se laisse porter par le divertissement. Désagréable, si l’on cherche une grande profondeur dans les dialogues ou un cynisme cassant. Le format du vaudeville est détourné pour préférer un jeu de situation dont la lucidité s’inscrit dans la mise en scène. L’adultère n’est pas assez sulfureux pour se placer en thématique centrale ; le jeu des conséquences en domino fait exploser les convenances dans le style de l’épique ironie du Dieu Carnage.

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