Titre : Les aventures de China Iron
Autrice : Gabriela Cabezon Camara
Editions : 10/18
Date de parution : 7 avril 2022
Genre : Roman
Parce que ça fait du bien un petit livre comme celui-ci.
Les aventures de China Iron est la relecture d’un classique de la littérature argentine : Martín Fierro de José Hernández. Il s’agit d’un poème épique de plus de deux mille lignes sur un gaucho, un cavalier solitaire pauvre, mais libre malgré tout, qui parcourt la pampa. Le texte est en deux parties : Ida (1872) et Vuelta (1879), « L’Aller » et « le Retour ». Face à la liberté d’expression dont fait preuve Martín Fierro dans ses chansons, un homme mal intentionné l’engage de force pour défendre une frontière contre les Amérindiens. À noter qu’on est dans une période où l’on pouvait ouvertement et légitimement s’approprier des terres appartenant aux Amérindiens. Refusant d’accomplir cette tâche ignoble, le protagoniste déserte. Une fois rentré chez lui, il découvre que sa femme, ses enfants et son patrimoine lui ont été enlevé. Il devient alors un brigand généreux. À la fin de Ida, il perd la trace de ses deux fils et part à leur recherche avec l’aide de son ami Cruz. La première partie porte sur cette frontière floue entre bien et mal, entre survie et conquête, là où vont se perdre les deux gauchos. La deuxième partie est consacrée à la recherche des enfants.
Les aventures de China Iron repartent donc de ce texte classique argentin pour raconter l’histoire de la femme de Martín Fierro. Celle-ci s’est retrouvée séparée de ses deux fils et a dû fuir avec son chien Estreya pour survivre. Elle rencontre ainsi Liz, une Britannique assez exubérante qui voyage dans une charrette aux merveilles (on y trouve de tout). China et elle vont s’allier pour rejoindre les terres dont Liz est propriétaire et sur lesquelles elle espère retrouver son mari, Oscar. Lors de leur périple, la protagoniste anglaise va contribuer à la libération sexuelle de China et lui ouvrir les yeux sur les beautés de la flore, de la faune et de la culture argentine. C’est ainsi que l’héroïne principale, qui n’avait jusqu’alors pas de nom, va s’en choisir un nouveau : China Josephina Star Iron. China, car c’est comme ça que l’appelaient les gens de son autre vie (“china” étant le surnom donné aux esclaves asiatiques en Amérique latine) et Star en rapport avec son chien Estreya, “étoile” en espagnol. C’est Liz qui lui propose le prénom Joséphine et le nom Iron, en lien avec le nom de son mari “Fierro”, les deux mots signifiant “fer” dans leur langue respective.
Tout comme le poème épique, le roman de Gabriela Cabezón Cámara est en deux parties. La première, Le Désert, est une ode à la culture, à la faune et à la flore de la pampa, qui se termine par la rencontre avec le Colonel Hernandez, l’homme qui a enrôlé illégalement Martín Fierro. La deuxième partie est appelée Le Fortin et se déroule dans la vaste estancia appartenant au Colonel. Lorsque China et Liz quittent enfin le fort, une troisième partie s’ajoute : La Terre de l’intérieur. Dans celle-ci, les deux jeunes femmes vont rejoindre une communauté amérindienne où les traditions ont changé et démontre une évolution féministe, à tendance LGBTQ.
Gabriela Cabezón Cámara est une autrice argentine co-fondatrice du mouvement féministe NiUnaMenos. En se réappropriant la geste de Martín Fierro, elle vise une nouvelle identité de la nation argentine et nous offre la fable d’une patrie queer englobant une variété de créatures provenant de plusieurs royaumes. Lorsque Liz et China se retrouvent dans le désert, dans la pampa, elles se rendent compte qu’il n’est pas vide, mais qu’il s’agit d’un vaste mélange rassemblant toute une diversité d’entités. Dans ce désert, China Iron est la fille indicible, indétermination des lieux communs de la féminité (mère et Vierge, femme et fille), mais aussi instabilité sexuelle qui passe de « china à lady » et « de lady à young gentleman » et de là à « tararira » ou « tia », principe vital qui fait grandir tout ce qui l’entoure.
Les aventures de China Iron est un roman sur la libération d’une femme, une merveilleuse histoire d’amour et d’aventures, un western queer et féministe. Un appel à fonder un monde libre, où personne ne se sentirait plus jamais seul.