Mise en scène de Magne van den Berg et Georges Lini avec Marie du Bled et Laurence Warin. Du 15 mars au 02 avril 2022 au Théâtre des Martyrs.
C’est dans la petite salle intimiste du théâtre des Martyrs que nous pénétrons dans l’univers de Dom et Gaby : une caravane vétuste couleur rouille, trois arbres dénudés par l’hiver et deux femmes – l’une matinale et l’autre moins – prennent place face au spectateur.
Difficile au début d’identifier la nature de leur relation, sœurs, mère, fille, collègues ou amies ? Cette question restera sans réponse, car ce couple peut revêtir plusieurs facettes. L’activation du décor assez sobre se fait par la parole ; au début de la pièce l’objectif du discours morcelé est limpide : il s’agit de choisir sa tenue afin de renvoyer une image correcte face à des gens jugés importants, surtout par l’ainée. Voisins, amis, acheteurs, propriétaires, leur identité restera secrète. L’intérêt de la pièce se trouve dans la relation des deux protagonistes, différentes par leur personnalité, leur ambition de vie et leur apparence physique. Dominique souligne pourtant l’importance de masquer ces dissemblances. L’unicité ferait la force face aux autres. Il y a deux temps dans le script : dans un premier, ces femmes se tourmentent et s’interrogent sur leur apparence, plusieurs tenues seront passées sans venir à bout de cette problématique. Dans un deuxième, la vacuité de ces artefacts est soulignée par leur empressement à s’en défaire et à malmener leurs costumes : leur semi-nudité leur permet de se projeter dans un passé sombre à défaut de s’illusionner sur un futur flou.
Poussant la fonction phatique du langage à son aporie, on est presque face à un duo beckettien type Oh Les Beaux Jours. Des pathologies antagonistes de la parole se dessinent : l’une est plongée dans un éternel soliloque, interpellant sa camarade seulement pour s’assurer qu’elle est toujours dans une écoute passive. Cette dernière se recroqueville dans son siège, magnanime, face aux remarques piquantes et aux questions fermées que lui lance ce qui paraît être sa tutelle. Gaby ne répond que par le négatif et l’affirmatif à ces injonctions agressives, mais ne cherche pas à lutter contre. Le duo fonctionne parfaitement bien esquissant un schéma relationnel classique des opposés complémentaires. Même si les liens qui les unissent restent abscons, l’on perçoit que cette complémentarité apparente peut osciller vers la toxicité. On comprend que Gaby est dominée : de la violence physique, elle passe à la violence verbale, fataliste et arrangeante. Une attitude qui cache une retenue que l’autre la pousse lourdement à lâcher. Dominique, décomplexée, ne voit pas le caractère impudique de ses poses, de son discours et enchaîne les monologues à la recherche d’une reconnaissance équivoque.
L’humour omniprésent rend légères ces conversations hivernales. La plume de Magne van den Berg – rythmée et jamais ennuyeuse malgré les nombreuses répétitions – cadence le script et lui donne une teneur à la fois émotionnelle et dynamique. Les pulsions verbales sont tempérées par le silence de la nature, ébauchant un espoir de sérénité.