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    Cœur Karaoké au Varia : Le cœur a ses raisons (mais on en saura pas plus)

    De Elsa Chêne et Victor Rachet. Avec Carole Adolff, Sam Darmet, Maxime Pichon. Du 15 mars au 26 mars 2022 au Varia.

    Sol blanc, paroi blanche incurvée, une table dans un coin. La scénographie évoque un congélateur vide.

    Ils sont deux, de chaque côté d’une cloison immatérielle et pourtant infranchissable. Elle frappe à sa porte, il refuse de lui ouvrir. Elle tente de rétablir une connexion affectueuse, de le faire rire – comme au bon vieux temps ? Lui se mure dans le refus, visiblement profondément blessé par le fait qu’elle cherche à reprendre contact malgré leur accord mutuel de ne plus se voir.

    S’ensuivent de multiples variations autour de la même partition – elle veut entrer, il ne veut pas, elle ne comprend pas pourquoi il refuse, lui ne comprend pas comment elle peut s’inviter de cette manière, elle ne comprend pas qu’il ne comprenne pas, il ne comprend pas qu’elle ne comprenne pas qu’il ne comprenne pas, etc.

    Les tâtonnements des protagonistes sont accompagnés par les créations sonores du musicien, présent sur scène comme un modeste témoin silencieux. Le travail de la musique et du son de manière plus globale participe efficacement à résonner avec les tensions, les rapprochements et les conflits. Alors que les mots semblent rapidement devenir vains et ne servir qu’à combler un silence qui s’avère effrayant aussi bien pour celle qui reste à la porte que pour celui qui refuse d’ouvrir, le partage d’une chanson ou le retentissement d’une sonnerie viennent s’insérer dans le dialogue et participent à faire perdurer l’échange comme l’incompréhension.

    La lumière joue également un rôle d’une importance considérable pour nous faire passer d’une ambiance à une autre, soulignant l’état des rapports du duo dans les moments clés.

    Le problème, c’est qu’à force de s’obstiner à ne vouloir rien dévoiler de ses personnages, le texte tourne en rond.

    La pièce est introduite comme un spectacle qui « questionne la place et le rôle de scénarios vécus ou imaginés dans la relation intime. » Mais puisqu’on ne sait quasiment rien de cette relation, on ignore également dans quelle mesure le décalage entre le vécu et le fantasme a pu influencer sa construction – et sa chute.

    Les irruptions de fragments de souvenirs – enjolivés ou bien réels, comment savoir ? – n’apportent que très peu d’informations qui pourraient nous permettre d’en apprendre un peu plus sur leurs rapports (amicaux ou amoureux), sur le pourquoi d’une rupture à priori brutale, sur les différentes postures adoptées après la séparation. Il y a bien quelques savoureux et habiles détails de mise en scène, quelques moments touchants de maladresse, quelques répliques drôles.

    Mais le risque quand on veut parler de l’indicible, c’est de finir par ne rien dire du tout.

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