De William Shakespeare. Mise en scène de Jean-Michel d’Hoop. Avec Ahmed Ayed, Yannick Duret, Héloïse Meire, Simon Wauters, Adrien De Biasi, Soazig De Staercke, Emmanuël Hennebert, Amber Kemp. Du 8 mars au 2 avril 2022 au Théâtre de Poche.
En voilà un songe particulier… Imaginez un décor composé de fenêtres et de portes transparentes puis opaques. Des personnages passant et venant de droite à gauche, tantôt grimés, tantôt dissimulés par d’impressionnantes marionnettes. Tout y est étrange, mystérieux, comme dans une forêt enchantée peuplée de créatures imaginaires. Fées, farfadets, lutins et deux couples d’amoureux à la cour d’Athènes s’empêtrent dans un vaudeville cocasse. C’est là la base de ce classique de William Shakespeare. Mais voilà qu’au Poche, Jean-Michel d’Hoop à la mise en scène et la compagnie Point Zéro, on nous propose autre chose, de plus inattendu… et réjouissant !
Fées transgenres, Titania ressemblant à la chanteuse Cher juchée sur des talons plateforme vert fluo de 10 cm, Puk porte des bas résille, le Duc Thésée a des menottes SM, la forêt vibre d’un son électrique, de chansons, de danse. Le tout bercé par les répliques de l’œuvre originale en se permettant néanmoins de paraphraser You’re the one that I want de Grease. A priori, vous allez évidemment penser que tous ces éléments sont difficilement conciliables. Et pourtant, c’est là tout le génie et le talent de cette pièce, elle a été ciselée au couteau avec une précision et un travail de chorégraphie impressionnant.
Huit comédien(ne)s sur scène qui vont faire vivre une quinzaine de marionnettes géantes dans un ballet discontinu et frénétique. Ils sont percutants de justesse malgré le fait qu’ils soient très souvent dissimulés derrière leurs imposants personnages. Plus le rythme augmente et plus nous percevons qu’ils s’échangent leurs rôles en gardant une intentionnalité parfaite. Il y a de la générosité dans le travail de ces acteurs, un don de soi perceptible et une joie immense de nous le partager. Il y a beaucoup de rires dans la salle, presque une euphorie. Comme ci, nous avions à notre tour, humé un peu de cette fleur étrange qui enivre les sens des protagonistes de la pièce.
Ce songe d’une nuit d’été est une pépite psychédélique qui nous entraine dans un tourbillon d’étonnement et de ravissement presque infantile. On est impressionné, captivé, hilare devant l’audace, la pertinence de ce mélange des genres. On est surpris que tous ces éléments fonctionnent avec une harmonie qui nous touche par sa poésie. Tout se mélange pour évidemment mettre en avant l’infini des possibles, des combinaisons de genre, de sexe, d’amour. Agrémenté par l’élégance shakespearienne qui nous soumet dans un mot de fin cette ravissante invitation : « Si nous, les ombres que nous sommes, vous avons un peu outragé. Dites-vous pour tout arranger que vous venez de faire un somme avec des rêves partagés. »
Il est des songes qui vous laissent un goût nostalgique au réveil, un sentiment de trop peu ou d’encore. Ce songe d’une nuit d’été nous laissera définitivement le souvenir d’un moment unique et ravissant. Il se dégage de cette œuvre un sentiment joyeux, léger, réjouissant, inspirant. Elle a été construite avec tant d’égards et d’intelligence pour le spectateur qu’elle nous embarque dans un voyage étrange duquel il est difficile de vouloir en sortir.