Quelques jours avant la projection de son film Rhino à Bozar dans le cadre de la cinquième édition du festival Bridges East of West Film Days, le réalisateur ukrainien Oleg Sentsov a eu la gentillesse de répondre à nos questions.
Ses influences
Lorsqu’on évoque avec lui le sujet de son film et que l’on essaie de se raccrocher à d’autres œuvres du même style, comme les films de Tarantino, Scorsese ou Balabanov, Oleg Sentsov nuance nos propos et nous affirme que son film s’éloigne des standards des films commerciaux. En effet, son but n’est pas de raconter une histoire où un héros irait combattre un bande de malfrats, mais plutôt de montrer la vie d’un de ces bandits.
Une vie qui débute dans Rhino avec l’évocation d’une enfance et adolescence en accéléré et qui se poursuit jusqu’au dénouement final. Le but selon le réalisateur était d’une part de montrer comment le mal s’inflitrait dans une personne et d’autre part de montrer la voie sans issue dans laquelle s’engage ce genre de personnage qui ne possédait à l’époque aucune autre possibilité de développement autre que la violence. A partir d’un phénomène qui sévissait non seulement en Ukraine mais également en Russie, Oleg Sentsov a donc voulu proposer un nouvel angle d’approche pour aborder ce sujet.
La violence et le système
Alors que l’on évoquait avec Oleg Sentsov la violence présente en masse dans les sociétés post-soviétiques au début des années 90, nous discutons dans un second temps de l’origine de ce phénomène. Selon le réalisateur, après avoir vécu dans un régime totalitaire durant la période soviétique, les gens ont réalisé après l’effondrement du système que tout ce en quoi ils croyaient était faux, ce qui a évidemment eu d’importantes conséquences psychologiques en plus des retombées économiques, politiques et sociales. Alors que l’ancien système n’était plus, le nouveau système a pris plusieurs années, jusqu’à la fin de la décennie pour se mettre en place, laissant l’opportunité à ces bandes criminelles de s’imposer.
Une des motivations du réalisateur pour tourner Rhino était d’ailleurs de montrer les changements opérés dans la société ukrainienne depuis cette époque, changements qui ont eu des conséquences positives, même si la population a dû se battre, notamment lors de la révolution de Maïdan, pour mettre fin à ses pratiques criminelles qui avaient été importées jusque dans les cercles du pouvoir.
Néanmoins, on peut encore apercevoir certains stigmates de cette époque, la notion d’état de droit et de justice indépendante n’étant pas encore ancrée partout dans le pays, et notamment dans la conduite des oligarques qui pensent encore pouvoir conduire leurs affaires comme si les règles ne s’appliquaient pas à eux. C’est d’ailleurs selon lui une des causes du conflit actuel, les changements dans le pays ayant été tellement important que certains dans les milieux très favorisés s’accrochent encore aux anciennes règles.
L’idée de rédemption
Le film est marqué par une violence omniprésente mais également par l’idée de rédemption, de ne plus vivre par la violence mais plutôt de trouver une autre voie pour exister. C’est un point très important pour Oleg Sentsov de montrer cette lueur d’espoir dans le film, le fait que même si Rhino n’a fait que le mal dans sa vie adulte, il cherche toujours désespérément à s’en sortir.
Le rôle du cinéma
Lorsque nous évoquons le rôle du cinéma et de l’art en général, Oleg Sentsov se réfère à son réalisateur préféré, le grand cinéaste russe Andreï Tarkovski, pour qui le cinéma et l’art est là pour rendre meilleur le spectateur. Selon lui, il faut toujours inclure un message d’espoir dans son œuvre, espoir que l’on retrouve dans son dernier film dans l’idée de rédemption à laquelle s’accroche le protagoniste principal.
Un autre aspect, que nous abordons également dans l’entretien que nous a accordé Alina Gorlova, est le rôle du cinéma pour influencer positivement les jeunes générations, pour qu’ils se posent des questions utiles par rapport à cette période et ce mode de vie.
Ses projets
Lorsqu’on lui demande quels sont ses projets, Oleg Sentsov nous parle des scénarios qu’il a écrits, avant et après son emprisonnement en Russie. Il souhaiterait d’une part monter une co-production européenne pour parler du sujet de l’autisme et d’autre part un film au thème plus joyeux sur une jeune femme et son fils qui recommence leur vie dans une petite ville des Etats-Unis.