L’exposition En quelques mots… met à l’honneur douze artistes aux pratiques diverses et variées. Douze artistes ayant tous une relation particulière et de longue date avec les mots. Au sein de l’espace singulier de la Maison des Arts de Schaerbeek, leurs œuvres s’articulent et s’entremêlent autour des possibilités qu’offrent les mots comme matériau de recherche, comme matière à modeler et à filer.
Ombres et lumières
Un des fils rouges de l’exposition est la confrontation perpétuelle entre plongée dans l’ombre et mise en lumière. À ce titre, l’œuvre Silenced Voices est particulièrement emblématique. La plasticienne irlandaise Stefana McClure cache pour mieux révéler. Une série de perles, précautionneusement posée dans des creux forés dans l’épaisseur des pages, masque partiellement un poème en persan. Les perles jouent ici un rôle double, en apparence contradictoire : symboles de source de connaissance en Orient, elles attirent notre regard et attisent notre curiosité sur les mots qu’elles occultent. Dans un même temps, elles nous empêchent d’accéder à la lecture du texte et de s’approprier le savoir qu’il contient. Le poème est celui de la poétesse iranienne Farough Farrokhzad, The Wind-Up Doll. Profondément irrévérencieuse aussi bien aux canons de la poésie qu’aux mœurs de son époque, Farrokhzad s’attaque aux restrictions frustrantes et injustes qu’elle subit à cause de son statut de femme. Le poème se clôt, de manière sarcastique, sur la phrase « Ah ! Comme je suis heureuse. »
On peut faire un parallèle entre ces perles, plaisantes visuellement mais inanimées, et le statut d’objet dans lequel sont contenues les femmes, dont l’utilité se limite à être la propriété de leur mari. Ici, les perles nous renvoient également à une forme de censure, tout en soulignant la préciosité et la valeur des mots de la poétesse disparue. Il ne tient plus qu’à nous de partir à la (re)découverte de ces œuvres. Parmi les premières œuvres exposées sous vitrine, Silenced Voices offre une excellente entrée en matière pour mieux appréhender le reste de la déambulation.
Donner à voir l’indicible
Installations, collages, photographies, caviardages et livres manifestent tous d’une volonté plus ou moins marquée de donner à voir l’indicible. C’est parfois chose accomplie, à travers une démarche équilibriste entre le son, l’image et le silence. C’est parfois incitateur à développer notre propre récit, à travers les zones de vides. C’est parfois l’occasion de nous présenter les mots comme une matière à modeler, un terrain de jeu infini et profondément évocateur. On oscille entre délicatesse et puissance, réaffirmation et effacement. C’est parfois encore une tentative de conserver et de partager une trace de sa présence ou de celle d’un(e) proche, de livrer un peu de soi tout en disant finalement très peu.
C’est inévitablement le rappel de ce que les mots ne peuvent pas, de ce qu’ils abîment ou cristallisent inopinément, des silences qu’ils masquent, de leur dérision risible face à l’irrévocable passage du temps, et les oublis qui s’ensuivront, inexorablement.
En quelques mots… est une exposition que peut sembler un peu froide at ardue à première vue. Pourtant, il s’agit d’une exposition savamment et finement orchestrée, où chaque œuvre rencontre et entre en résonnance particulière avec les autres.
Infos pratiques
- Où ? Maison des Arts, Chaussée de Haecht 147, 1030 Schaerbeek.
- Quand ? Du 19 février au 30 avril 2022, du mardi au vendredi de 11h à 17h et le weekend de 11h à 18h.
- Combien ? Gratuit. Inscription possible en ligne ou sur place.