Un texte de Paul Pourveur. Conçu et interprété par Camille Sansterre et Ilyas Mettioui. Du 26 octobre au 14 novembre 2021 au Théâtre des Martyrs.
C’est avec une énergie joviale et accueillante que les deux comédiens débutent Peter, Wendy, le temps, les autres. Nous entrons dans la salle intimiste du Théâtre et sommes immédiatement immergés dans le quotidien des deux personnages, Charles et Charlotte. Nous sommes dans leur appartement, modeste mais chaleureux. La scénographie le souligne d’ailleurs très bien ; intimiste, inclusive, efficace. Ils fleurent tous deux la trentaine, sont emplis de contradictions et débordent de fraicheur. Rapidement, nous entamons avec eux le début de leurs élucubrations amoureuses au cours de leur repas, qui rythmera les trois actes du spectacle.
Charlotte aime la stabilité, cela la rassure, lui donne la sensation d’être sur la bonne voie, d’avancer. Charles, lui, souhaite vivre sa relation et son quotidien avec plus de légèreté. Ils s’aiment, certainement, mais ne sont pas sur la longueur d’ondes. D’autant plus qu’ils se trouvent à l’âge de l’entre-deux. Ils ont quitté la douce insouciance de la vingtaine, et découvrent les joies de la « vie d’adulte », empreinte de responsabilités, mais aussi de projets. Ils voient leurs amis fonder une famille, exposer des photos de leur progéniture sur Facebook… Comment se positionner face à cela ? Comment aborder le futur, comment construire ensemble, lorsque nos conceptions de la vie à deux sont antagonistes ?
Ils se réfèrent tous deux à une idylle romanesque qui les inspire et les interpelle : deux amants décident au terme de leur vie de se suicider ensemble… Après une vie commune. Est-ce le paroxysme de l’engagement, l’expression de la folie, un idéal inatteignable ?
Plus tard sont mêlés à ce débat deux personnes immiscées dans le public. Un homme, une femme. Ils sont issus d’une autre génération, ils sont grisonnants, pétillants. Ils deviendront les guides et voix intimes de Charles et de Charlotte, ils exprimeront ce que leur langage ne peut et ne veut exprimer. Il est d’ailleurs très judicieux d’inclure ces deux personnages de la sorte. Ils lisent à tour de rôle des fragments du texte de Charles et Charlotte, lorsque le couple ne trouve plus les mots pour dialoguer, pour s’entendre, se comprendre. C’est comme si l’expérience et la sagesse prenaient le pas sur la jeunesse incertaine pour exprimer les sentiments dans leur plus simple expression.
Le couple finira enfin par trouver une conclusion à leurs débâcles : ils s’aiment. Ils ne vivent pas leur amour de la même façon, mais qu’importe. Aujourd’hui, ils s’aiment. Grâce à leurs deux anges gardiens d’un autre temps, qui nous ont fait aussi l’honneur de nous partager leurs propres incertitudes, leur passé amoureux parfois incertain et tragique, nous sommes rassurés. Malgré le clivage des générations, une chose persiste, c’est la complexité de l’amour, des relations. Que nous ayons grandi avec des modèles de stabilité, de liberté, que nous fassions partie de la génération de l’indécision ou de celle de l’ancrage, l’amour reste la plus grande incompréhension humaine.
Pour conclure, c’est avec énormément d’émotion que nous sommes inclus instantanément dans l’intimité des personnages. Ce couple, au final, c’est nous toutes et tous. Il incarne la contradiction, la vulnérabilité, et il nous plonge dans son authenticité avec beaucoup de sincérité. L’humour du texte et des comédiens permet de contrebalancer le sentiment de désarroi et de tristesse que nous pouvons ressentir face à l’impossibilité de trouver un accord commun. C’est avec beaucoup de justesse que deux générations se confrontent, mais surtout se rejoignent. Amis et amies trentenaires, ce spectacle peut être pour nous d’un grand réconfort. Nos questionnements et nos doutes sont légitimes, dans cette zone charnière. Mais surtout, d’autres sont passés par là avant nous…