De Jean Racine. Mise en scène de Pauline d’Ollone. Avec Habib Ben Tanfous, Pierange Buondelmonte, Leila Chaarani, Liesbeth Kiebooms, Nelly Latour, Gaëtan Lejeune, lliass Mjouti, Catherine Salée. Du 21 septembre au 3 octobre 2021 au Théâtre des Martyrs.
Sept acteurs-danseurs sur scène attendent le public qui commence à remplir la grande salle du Théâtre des Martyrs. D’un côté les hommes s’entrainent, se battent, se poussent et se charrient. De l’autre côté les femmes se retrouvent entre elles et habillent la reine. On dirait que quelque chose se prépare sur le plateau entre-temps que les spectateurs trouvent leur place e s’installent. On sent une tension qui s’épaissit au fur et à mesure qu’on approche du véritable début de la pièce. Depuis le début on est frappé par l’esthétique contemporaine de la scène : un plateau assez vide, des chaises sur le fond, des comédiens habillés de manière assez décontractée.
L’histoire, dans la version racinienne, est celle d’un amour jugé illégitime : Phèdre aime Hippolyte, le fils de son mari, le roi Thésée. Cette passion interdite est au centre de la pièce et suggère beaucoup de réflexions sur des thématiques intemporelles telles que le regard sur la passion et sur la sexualité féminine. On retrouve dans cette pièce aussi toute la question des iniquités et des rapports de pouvoir entre hommes et femmes. Effectivement, le roi Thésée est un homme puissant qui semble pouvoir disposer comme il le souhaite de sa femme et d’autres filles, mais c’est aussi le premier à se sentir victime de trahison.
Les vers alexandrins ne contrastent pas avec l’esthétique contemporaine de la pièce, au contraire, quelque part les alexandrins semblent faire partie d’une réflexion dramaturgique sur le rythme : Phèdre(s) est un spectacle où les mots, les gestes, les corps et les émotions suivent des cadences particulières qui s’entremêlent en donnant vie à une sorte de grande et unique pulsion. Le jeu des comédiens ne s’arrête pas à la virtuosité et aux capacités techniques, il s’agit plutôt d’incarner les alexandrins, de les faire respirer, de démontrer leur puissance même à l’époque contemporaine. Cela peut rappeler, par moments, l’univers du slam. Le rythme des mots est suivi aussi par les corps qui incarnent, eux aussi, des sentiments et des répliques entières.
Phèdre(s) est un spectacle qui met en lumière les enjeux contemporains et intemporels de l’œuvre et de la langue de Racine. On connaît et on reconnaît Phèdre comme le symbole des pulsions féminines. Elle est une « survivante provisoire » comme elle le dit si bien, une femme qui vit le dilemme entre ce qu’elle ressent et ce qu’elle devrait ressentir, entre ce qu’on lui permet de désirer et ce qui, pour une femme, est jugé « moins convenable ».