Scénario : Nicolas Debon
Dessin : Nicolas Debon
Éditeur : Dargaud
Sortie : 25 juin 2021
Genre : Roman graphique
On l’observe une fois encore cet été, quand on lève les yeux sur les drapeaux multicolores décorant les balcons, que décidément, oui, le sport exacerbe les nationalismes. C’est un lieu commun, certes, mais ce qu’on rappelle moins c’est à quel point cette ferveur patriotique est liée à l’Histoire avec un grand H. En 1928, quand les Français applaudissent fièrement l’équipe de marathoniens qui s’apprêtent à parcourir les quelque 40 km des jeux olympiques, ils le font dans un contexte colonial et d’entre-deux-guerres. Marathon se veut plus qu’une bande dessinée sur le sport, un regard sur la manière dont le divertissement est vecteur d’une autre histoire, celle des rivalités et des rapports de domination qui existent entre les pays.
L’histoire d’une course
Mais Marathon, c’est quand même aussi une bande dessinée sur le sport, ne l’oublions pas. D’autant plus que le scénario de l’ouvrage tient en une phrase : c’est l’histoire d’une course. Et ça on le comprend directement ; on commence par une petite introduction presque philosophique, ensuite vient la présentation des coureurs et finalement la tension de l’épreuve. On apprendra d’ailleurs, à la fin, que si les propos du commentateur qui accompagnent les dessins tout du long semblent plus vrais que nature, c’est parce qu’ils sont tout droit récupérés de l’événement. En plus du fond, la manière dont le récit est cadré, colle à la réalité d’une course filmée dans son ensemble – plus on tourne les pages, mieux on s’imagine sur notre canapé devant la télévision. On ne parlera tout de même pas d’un plan-séquence puisqu’il y a des coupures mais le point de vue extérieur se tient d’un bout à l’autre du récit avec une certaine cohérence dans les déplacements du regard.
Cette envie peu commune de transmettre par le dessin ce qui d’habitude est associé à d’autres médiums, plutôt d’ordre télévisuel ou radiophonique, on sent qu’elle est volontaire. Et pour un passionné de course et de bande dessinée, la découverte est vraiment plaisante. Mais les moins mordus se décourageront peut-être face au manque de dynamisme sur le plan narratif. Le concept est intéressant mais finalement c’est surtout la justesse du graphisme qui nous fait oublier, à nous lecteurs moins habitués des retransmissions sportives, que l’intrigue est un peu pauvre.
Une claque graphique
Car graphiquement, l’ouvrage est balèze. Il y a dans Marathon, une cohérence et un équilibre incroyable sur le plan visuel – chaque image est aussi forte que la précédente et pourtant la technique ne fait pas d’ombre à l’histoire qui est plus facile à suivre et ne nécessite donc pas une attention toute particulière. On retrouve dans l’album beaucoup de jeux d’ombres et de lumières avec des traits parfois un peu grossiers et une densité de noir assez lourde, le tout contrebalancé par la finesse de la mise en couleur au crayon. Le récit oscille entre les tons bleus et les bruns qui rendent aux orages d’été leur coté menaçant et au soleil couchant sa simplicité. Marathon se permet aussi des silences bien trouvés – comme des moments de contemplation – ainsi que des jeux d’assemblages visuels, qui auraient peut-être été de trop si le récit avait été plus exigent sur le plan narratif.