Texte de Vincent Marganne et mise en scène de Serge Demoulin. Avec Edson Anibal et Vincent Marganne. Jusqu’au 12 juin 2021 au Rideau de Bruxelles. Crédit photo : Alice Piemme/AML
Burundi, 1972. Un coopérant de plus est envoyé dans les colonies. Il y élève, avec sa femme, ses quatre enfants. En toile de fond, on voit les images de leur enfance qui projettent une intemporelle nostalgie. Ils jouent dans le jardin, ils font de la balançoire et le cadre dans lequel ils agitent leur innocence pourrait être de toutes les places. Le père entraîne l’équipe de basket du lycée dans lequel il enseigne ; ils mènent une vie normale.
Le point de vue est celui de l’innocent et le questionnement vient aussi porter sur un débat de taille : le traitement des faits coloniaux. Doit-on accabler les descendants ? Avoir vécu au temps des colonies – y avoir été heureux – condamne-t-il à l’avance l’adulte à venir ? Les souvenirs forment un fil rouge tendre et déroutant dans cette pièce aux accents de sobriété – le jeu d’acteur, le décor – et à la forme tendue par ce qu’elle évoque – le sujet, l’Histoire.
Le texte de Muzungu à la pertinence d’offrir un autre point de vue et il draine, aussi, une complexité : la responsabilité des uns, la réciprocité des autres. Il a à soulever la domination et ses limitations, la diversité des réalités, la confrontation des personnalités. Ils sont deux sur scène à alimenter le récit, un recueil de mémoire à double voix. Une porte est ouverte entre les deux hommes, les deux histoires. Ils se font écho et s’interpellent.
Il y a ici à soulever un binôme qui fonctionne et, plus particulièrement, une belle performance du comédien Edson Anibale qui livre une interprétation juste et mesurée, une tension adéquate. Le texte a cela de marquant qu’il n’en fait pas trop même si la tonalité monologue est risquée. Quelle tempérance apporter à une histoire qui s’incarne dans un sujet sensible ?
La force du souvenir. Le regard de l’enfant. La puissance de la parole libérée.