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    Le spectateur, la vie comme une abîme

    Couverture de la BD « Le spectateur » de Théo Grosjean (Soleil, 2021)

    Scénario et dessin : Théo Grosjean
    Éditeur : Editions Soleil
    Sortie : 14 avril 2021
    Genre : Roman graphique

    Le spectateur est une roman graphique teinté de mystère et de mélancolie sur la difficulté d’être un acteur de sa propre vie. À travers les yeux d’un jeune homme muet, le lecteur ressent la solitude de l’introverti et la peur se « s’abîmer » en prenant le risque d’aimer.

    Un garçon pas comme les autres

    Depuis qu’il est né, Samuel se sent différent. Il refuse de parler, alors que ses cordes vocales fonctionnent parfaitement. Devant l’incompréhension des adultes, au premier rang desquels son propre père, il se réfugie encore plus dans son univers intérieur. Plutôt que par la parole, il préfère s’exprimer par le dessin. Oiseaux, trous noirs, ouvertures… les symboles qui l’obsèdent font écho à sa propre histoire et à ses traumatismes d’enfant.

    Un livre-objet d’art

    La magnifique couleur bleu-vert choisie par Théo Grosjean pour son album, rendue lumineuse par le contraste avec le noir et le blanc, créé une sorte d’état contemplatif qui place le lecteur dans une position de spectateur, comme si la vie de Samuel était un long rêve éveillé. Tout est vu et vécu à travers les yeux du jeune homme, de sa naissance à l’âge adulte. La toute première page de l’album « éduque » d’ailleurs notre regard avec un message imprimé en relief à déchiffrer avant d’entamer la lecture. Cet effet parmi d’autres fait du livre un très bel objet dans lequel la forme et le fond sont indissociable.

    L’amitié faussement salvatrice

    On est loin de l’autodérision et du ton léger de L’Homme le plus flippé du monde. Avec Le spectateur, Théo Grosjean choisit un registre plus sombre, même si l’humour, cynique ou absurde, est loin d’être absent. Le personnage de Samuel est à la fois insondable et attachant. Seuls ses amis Yacine et Judith, eux aussi « différents », semblent le comprendre. Mais l’amitié, si elle sauve de l’indifférence, rend aussi vulnérable. À force de vouloir se protéger de la souffrance, on devient un fantôme ou, comme le dit Judith, « quelqu’un qui n’arrive pas à savoir s’il est triste ou indifférent ».

    En renfermant Le spectateur, le lecteur se sent lui-même muet, portant le poids de tous ces sentiments non exprimés par la parole. Une lecture à la fois touchante et troublante.

    Soraya Belghazi
    Soraya Belghazi
    Journaliste

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