Titre : Eric Clapton Blues Power
Auteur : Jean-Sylvain Cabot
Editions : Le Mot et le Reste
Date de parution : 18 février 2021
Genre : Musique, biographie
Parmi les rares musiciens encore en activité passé la septantaine, Eric Clapton continue sa carrière en toute discrétion. Auteur d’une quarantaine d’albums studio réalisés en solo ou au sein de groupes mythiques comme les Yardbirds, Cream, John Mayall & the Bluesbreakers, Delaney & Bonnie, Blind Faith ou Derek & the Dominos, le légendaire guitariste a derrière lui une carrière s’étendant sur près de soixante années.
Peut-être en raison de la relative discrétion de l’artiste, il existe pourtant assez peu de livres lui étant consacrés. C’est ainsi que cette nouvelle publication signée Jean-Sylvain Cabot est la bienvenue. D’autant qu’elle constitue un objet réellement intéressant !
Si, dans un premier temps, on pourra être étonné par la structure du livre qui prend la forme d’un passage en revue chronologique de chacun des albums de l’artiste, il s’agit d’une excellente idée. Car si cette apparence brut peut décontenancer, c’est justement l’une des meilleures façons d’aborder la vie et la carrière d’Eric Clapton. Ou du moins une façon encore peu exploitée jusqu’ici.
Car le musicien aura connu quantité de hauts et de bas au cours de sa carrière, évènements devant toujours être mis en parallèle avec sa production musicale et ses rencontres. Ses addictions à la drogue dans les années 70 auront mené George Harrison à l’inviter au Concert for Bangladesh (1971), tandis que Pete Townshend aura organisé pour lui le Rainbow Concert (1973).
À la fin des années 80, c’était l’alcool qui l’entraînait vers le fond, et Phil Collins produit pour lui les albums Behind the Sun (1985) et August (1986). Tandis que la mort de son fils Conor en 1991 l’aura mené à trouver une paix intérieure transpirant dans le célèbre Unplugged (1992), gratifié de six Emmy Awards.
Ainsi, l’approche de Jean-Sylvain Cabot permettra de redécouvrir chaque album d’Eric Clapton au travers du prisme de son état d’esprit ou de santé à différents moments de sa vie.
Mais l’auteur ne s’arrête pas là, parvenant à intercaler dans sa narration toutes sortes d’éléments hautement intéressants comme le départ de l’artiste des Yardbirds, sa participation au film Tommy (1969) des Who, ses cures de désintoxication, son dérapage raciste en 1976 ou encore Turn up Down, son album inédit de 1980.
Dans son entreprise, Jean-Sylvain Cabot n’oubliera que peu de choses.
Pour chercher la petite bête et en lien avec la récente disparition de Sean Connery, on regrettera de ne pas trouver mention du film Circasia, dans lequel ce dernier apparaissait aux côtés d’Eric Clapton, John Huston, Richard Harris, Shirley MacLaine et Burgess Meredith, pour un court métrage réalisé en 1975 au profit de la Central Remedial Clinic et du Variety Club of Ireland. Ou encore l’échange entre le musicien et la reine Elizabeth II lors du jubilée de celle-ci en 2002, au cours duquel Sa Majesté aura demandé à l’artiste si cela faisait longtemps qu’il jouait de la guitare, celui-ci répondant que ça devait à peine faire quarante-cinq ans…
Au-delà de cela, l’auteur parviendra à prendre suffisamment de distance par rapport à son sujet d’étude, chose peu évidente si l’on suppose qu’on n’écrit pas 300 pages sur un artiste que l’on détesterait. Ainsi, malgré la sympathie que J.-S. Cabot porte à Eric Clapton, il parvient à maintenir son objectivité, allant jusqu’à rappeler qu’une des chansons de l’artiste évoque plutôt l’envie de se pendre que la magie de Noël, ou qu’à sa sortie des Yardbirds, Clapton se prenait bien trop au sérieux, pétri d’un flagrant complexe de supériorité. Eric Clapton Blues Power n’est ainsi pas dénué d’humour ou de distance critique.
En résumé, voilà un livre qui parvient à replacer chacun des albums d’Eric Clapton dans son contexte, mettant ainsi en parallèle la vie de l’artiste avec la musique qui l’aura toujours sauvé. S’il y manque quelques rares anecdotes amusantes ou méconnues, Blues Power n’en reste pas moins une production réellement intéressante. On regrettera presque qu’aucun lexique ne soit intégré au livre, permettant de rapidement retrouver un personnage ou une information, tant l’ouvrage est riche.