Titre : Un détail mineur
Autrice : Adania Shibli
Editions : Actes Sud
Date de parution : 4 novembre 2020
Genre : Roman
En lisant la quatrième de couverture, on imagine sans peine pourquoi le département Sindbad d’Actes Sud, dédié aux ouvrages du monde arabe, met en valeur le dernier texte d’Adania Shibli. C’est vrai, sur le papier, le synopsis d’Un détail mineur est engageant. Pour nous raconter la souffrance de son peuple, l’auteure et professeure palestinienne divise son livre en deux parties égales, deux voix différentes qui se rejoignent en un même cri. Dans les premières pages, on est transporté dans les années cinquante au cœur du Neguev, témoins d’un viol commis par les soldats israéliens sur la personne d’une jeune bédouine. L’écriture désincarnée, presque kafkaienne, accentue le caractère déshumanisant du crime, l’atroce bestialité dont il se nourrit. La deuxième moitié du livre est au contraire placée sous le signe de l’introspection. Une jeune palestinienne, qui s’exprime à la première personne du singulier, se confiant à nous comme elle le ferait à son journal, décide d’enquêter sur ce même viol plusieurs décennies après qu’il ait été commis.
Si l’idée est bonne, la réalisation en est plutôt décevante. Les deux parties très différentes ont les défauts de leurs qualités. Le premier chapitre qui se veut à distance se présente finalement plus comme une succession d’actions qui ne servent pas forcément l’histoire. Chacun des gestes qu’exécutent les soldats sont répertoriés et décortiqués, conférant au récit une certaine lenteur qui, certes, colle assez bien avec la moiteur du climat et l’oisiveté des personnages mais qui surtout accable le lecteur de détails (mineurs) dont il se serait passé. Quand survient le viol – que l’auteure a choisi de décrire avec une certaine subtilité, par les bruits et les regards plus que par les mots – on est presque horriblement soulagé d’avoir enfin à lire quelque chose de concret.
Dans la seconde partie, Shibli réduit la distance qui nous séparait du sujet, en optant pour une écriture intimiste. On aurait aimé que cet étau qui se resserre nous étouffe, nous fasse un peu mieux comprendre les blessures du personnage, porte-parole de ceux qui vivent l’occupation au quotidien. Mais l’héroïne souffre d’un profond manque de personnalité – sans aucune dualité, elle agit tout au long de l’histoire en accord avec les quelques attributs qui la définissent et que l’auteure prend soin d’énumérer en début de chapitre.
Si sur le plan narratif, le livre manque de conviction, il en est tout autre d’un point de vue informatif. Utilisant le micro pour parler du macro, Shibli détaille toutes ces petites choses qui font le quotidien du conflit et qu’il n’aurait pas été possible d’inventer. Dans les librairies belges, les écrivains palestiniens ne sont pas légion (alors vous pensez les écrivaines… ), c’est donc un point de vue peu représenté et un sujet qui ne fait pas forcément la couverture du calendrier littéraire que nous propose Shibli – tout comme le viol en tant de guerre d’ailleurs. C’est finalement un livre qui conviendrait assez bien aux lecteurs désireux d’en connaître un peu plus sur ces problématiques sans s’embarquer dans un grand périple romanesque – puisque le livre fait 120 pages tout mouillé.