Titre : La Jeune Fille au chevreau
Auteur : Jean-François Roseau
Editions : de Fallois
Date de parution : 10 juin 2020
Genre : Roman
La thématique de la Seconde Guerre mondiale a été usée et écumée. De l’horreur et de l’indicible, on a ravalé les points de vue, exploité à la chair les portées narratives. On en a fait un tour utile, indispensable, toujours constructif, toujours attendu. Et toujours conscient, le lecteur – le témoin après l’heure, celui qui pouvait douter du souvenir, l’héritier d’une Histoire collective – connait l’importance du discours. Transmettre à tout prix et ne pas oublier.
C’est une France du Sud occupée que Jean-François Roseau dépeint et son style, son ton, son verbe – les astuces de l’écrivain -, tout renvoie à une langue passée, à des formules qui vous transposent tout droit comme en quarante. Au cœur du drame de l’occupation tétanisante, le petit Pygmalion – personnage attachant mais dépersonnalisé, mythique sous le texte – connaît ses émois adolescents sous la coupe des sirènes des bombardements.
Jean-François Roseau s’attache à garder la dramaturgie propre à cette période de la vie. Le temps sacré des découvertes et des prises de parti inconditionnelles. Tenu au charme subjuguant de la jeune fille au chevreau, icône locale sculptée sur la place publique, le petit Pygmalion cultive sa rêverie au profit de la matérialisation charnelle du fantasme. Car M., le modèle d’hier, est devenue une femme d’expérience, charismatique et enivrante.
Et le petit Pygmalion, à son contact, animé, découvre l’amour et le risque, la joie des vérités du cœur et le danger qui se cache sous les amitiés de guerre. L’adolescent voit en M. la jeune fille au chevreau d’hier et au-delà des affinités que la femme qu’elle est devenue construit, un champ multiple et complexe à lire entre les lignes.
De quoi questionner encore la guerre, la haine, le jugement et situer à la place qu’on leur réservait hier – quel statut leur donne-t-on aujourd’hui ? – les coupables au front bas et les boucs émissaires téméraires.