Un Triomphe
d’Emmanuel Courcol
Comédie
Avec Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissokho
Présenté dans le cadre du FIFF 2020
Lorsqu’on parcourt le pitch du film Un Triomphe – un acteur de seconde zone qui a pour projet fou de faire jouer du Beckett à une troupe de taulards inexpérimentés – on a comme une impression de déjà-vu légitime, la grande tendance dans le cinéma français étant aujourd’hui de s’intéresser aux communautés qui hier encore étaient oubliées, en l’occurrence ici les détenus. Parmi les têtes de files de ce genre humoristico-dramatique teinté d’humanisme, on retrouve évidemment le duo Olivier Nakache et Eric Toledano qui nous ont pondu en moins de dix ans Les Intouchables et Hors Normes mais aussi Eric Lartigau à qui l’on doit le célèbre La Famille Bélier. Loin de dénigrer les qualités de ce genre de films démocratiques et même touchants, on constate néanmoins qu’on est souvent face aux mêmes recettes, lesquelles sont malheureusement réutilisées dans Un Triomphe.
Le réalisateur Emmanuel Courcol mise, en effet, la réussite de son film sur une bonne dose d’humour dans la plus pure tradition française, un peu de philosophie du dimanche, beaucoup d’émotions et surtout plein de bons sentiments. À l’exception de la fin, le schéma narratif est à l’image de la composition du film, prévisible. Kad Merad, qui nous rappelle un peu Gérard Jugnot dans Les Choristes, se place en utopiste déterminé convaincu du pouvoir rédempteur de l’art.
S’inscrivant paradoxalement dans une démarche sociale, Un Triomphe ne parvient pas à s’affranchir des stéréotypes dangereux qui habitent son sujet, notamment en ce qui concerne les prisonniers majoritairement de couleurs – ce qui est d’autant plus troublant que le récit est tiré d’une histoire vraie qui s’est déroulée en Suède et que les concernés étaient, d’après les photos, plutôt typés scandinaves. Même si ce n’est pas une excuse, les personnes libres et issus d’un milieu socio-économique plus favorable n’en sont pas pour autant valorisées. Le directeur de théâtre connu qui n’a de cesse de promettre de futures rôles à notre acteur et metteur en scène désespéré, est présenté comme un être abject, dépourvu de talent et incapable de reconnaître sa propre médiocrité. Finalement, semble nous rappeler à juste titre Courcol, l’art ne se mesure pas par le degré d’éducation de l’artiste mais par sa manière d’exprimer quelque chose. La figure du sauveur est elle aussi quelque peu revisitée car il apparaît assez vite que si Kad Merad dépense toutes sont énergie à monter une pièce de théâtre en prison, ce n’est pas tant par charité que parce qu’il a besoin de prouver son talent d’abord à lui-même et ensuite à ceux qui lui tourne le dos.
Un Triomphe n’est pas un mauvais film puisqu’il parvient à nous faire rire quand il doit, à nous faire pleurer quand c’est nécessaire. Mais de manière générale on déplore le manque d’inventivité dont fait preuve cette comédie avec laquelle les organisateurs du FIFF ont choisi de clôturer le festival.