La Déesse des mouches à feu
d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Drame
Avec Kelly Depeault, Caroline Néron, Normand D’Amour
Présenté au FIFF 2020
La Déesse des mouches à feu. Le risque avec un titre pareil – qui ne passe pas inaperçu dans la programmation du FIFF – c’est que le film ne soit pas à la hauteur des images que ça éveille en nous, aériennes et lumineuses comme des rêves adolescents. Et pourtant si. On peut même dire que le résultat dépasse nos attentes.
Le film s’ouvre sur Catherine, qui se fait appeler Cat, déballant ses cadeaux d’anniversaire, entourée d’un père alcoolique et d’une mère volage. Pour ses seize ans, l’adolescente enjouée et fascinée par ce qu’elle ne connaît pas, a demandé une édition de Moi, Christiane F, droguée, prostituée parce que « à l’école tout le monde l’a ». En voilà une scène qui se place comme annonciatrice des futurs intérêts de la jeune fille qui ne tardera pas à s’intégrer au groupe des jeunes cools, grunges et fêtards du lycée.
En faisant attention aux détails, la Canadienne Anaïs Barbeau-Lavalette nous propose un teen movie qui parvient à retranscrire des émotions que beaucoup de films du genre échouent à faire comprendre. On sent que ce n’est pas un énième film racontant l’adolescence, bourré de clichés et de couleurs saturées, écrit par un vieux réalisateur qui, faute de se souvenir de sa propre jeunesse, pense traiter le sujet en toute légitimité parce qu’il a des enfants.
Adapté d’un roman éponyme, La Déesse des mouches à feu rend justice à l’âge ingrat, dans ce qu’il a de plus intense, grâce aux décors sublimés d’un Québec rural, à des transitions à la fois propres et inventives et à des images poétiques et chaleureuses. Qui plus est, la bande son un peu mélancolique est particulièrement bien accordée au propos – avec notamment la version canadienne du tube de Desireless qui montre que l’adolescence c’est aussi un peu un voyage. Puisque Catherine est un produit des années 90, influencée par les sixties et le rock alternatif, la réalisatrice se permet des extravagances en ce qui concerne le look de ses personnages : salopettes, ras-du-cou et maquillage rendent ce drame encore plus esthétique. Dans les autres points forts du film, on notera le jeu excellent de l’actrice principale, encore peu connue du grand public mais ça ne saurait tarder.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, il n’y a rien d’étonnant au fait que La Déesse des mouches à feu, salué par la critique, soit déjà au Canada en tête du box office. On regrette néanmoins que la drogue soit à tel point présente dans le film qu’on se demande si ce n’est pas là une astuce qu’a trouvé Anaïs Barbeau-Lavalette pour faire de jolies images. D’ailleurs, on a presque peur à un moment que ce drame ne se transforme en une sorte de campagne préventive pour contenir l’insouciance des jeunes. Mais ce n’est pas le cas. Finalement le succès de ce petit film, tourné rapidement ainsi qu’écologiquement et mettant en avant des acteurs inconnus, se base essentiellement sur le caractère universel du propos qu’il transmet et ce, malgré son ancrage spatio-temporel.