L’affaire Collini
de Marco Kreuzpaintner
Drame, Historique
Avec Elyas M’Barek, Alexandra Maria Lara, Heiner Lauterbach, Franco Nero
Sortie le 12 août 2020
Levé de rideau. L’Affaire Collini s’ouvre sur un meurtre, un meurtre qu’on ne voit pas. La caméra se concentre sur les traces de sang que laissent sur le sol d’un hôtel majestueux les chaussures de l’assassin. Par un travail de montage alterné, les pas se mêlent aux mouvements qu’exécute un jeune avocat ambitieux alors qu’il s’entraîne à la boxe. Le ton est donné dans une première scène qui, très juste dans ce qu’elle ne montre pas, laisse présager une certaine inventivité dans la manière de filmer.
L’Affaire Collini raconte le procès de ce meurtrier qui, s’il n’a pas cherché à s’enfuir, ne compte pas non plus expliquer son geste. Caspar (Elyas M’Barek), le jeune avocat ambitieux et boxeur à ses heures perdues, n’hésite pas une seconde à se saisir de ce dossier qui pourrait éventuellement lui faire un nom. Mais les choses se compliquent quand Caspar apprend que l’industriel de la haute société qui s’est fait tirer dessus n’est autre que Hans Meyer, l’homme qui s’est occupé de lui quand sa mère travaillait. Et par-dessus tout, le coupable de ce crime atroce semble s’enfermer dans un mutisme qui rend la quête de vérité très compliquée.
Mais l’avocat soucieux et idéaliste – ce bon vieux rôle du jeune commis d’office convaincu que la justice est une fin en soi – ne se laisse pas freiner ni par l’affection qui le liait à la victime, ni par le silence qui abrite le coupable. Il se lance dans une lutte un peu clichée contre l’avocat qui défend les intérêts de la famille Meyer, un ténor du barreau désabusé et calculateur. Et c’est alors qu’on a droit à la scène classique du genre qui montre le jeune avocat éplucher ses dossiers. Il reste éveillé nuit et jours, penché sur ses papiers, une tasse de café dans une main, une cigarette dans l’autre. L’Affaire Collini, en se perdant dans ce genre de facilités narratives, semble alors oublier les promesses qu’il fait au début. La première partie du film s’essouffle.
On découvre alors que la petite histoire du meurtre tire son origine dans la grande histoire de l’Allemagne. Le réalisateur Marco Kreuzpaintner adapte d’ailleurs dans ce film le best-seller éponyme pour lequel l’écrivain Ferdinand Von Schirach s’est largement inspiré du passé nazi de sa propre famille. Ainsi, la deuxième moitié de ce drame juridique devient plus intéressante, à la fois parce que dynamique mais aussi parce que plus ouverte à créer le débat. Comment correctement juger des crimes de guerre quand les bourreaux gardent un statut privilégié dans la société d’après ? Comment punir les atrocités qui ont été commises par des hommes pour une idéologie à l’époque dominante ? Et surtout comment faire la part des choses entre l’amour et la justice ?
On notera également que dans les points forts de L’Affaire Collini se trouve le jeu d’acteur de Franco Nero (Django, Querelle, Lost City of Z…) touchant dans ce qu’il a de plus rustre, le montage alterné, les souvenirs qui semblent filmés sur pellicule apportant émotions et fraîcheur ainsi que l’élégance de l’image qui se déploie notamment dans de belles vues aériennes et dans la manière de capturer le très architectural palais de justice berlinois. On regrette juste que Kreuzpaintner n’ait pas poussé son film encore plus loin, en réfléchissant un peu mieux à la place du silence dans son travail qui finalement parle de l’indicible.