Mémoire vivante du BIFFF, Guy Delmote fait partie des créateurs du festival en compagnie de Annie et Freddy Bozzo, Gigi Étienne et son frère Georges Delmote. C’est donc tout naturellement vers lui que nous avons été au moment de la clôture de notre BIFFF@Home. Parce que voir des films en slip dans son salon, c’est drôle un moment mais rien ne saurait remplacer le BIFFF.
Bonjour Guy, tout d’abord, comment vas-tu ?
Je suis un peu fatigué et dépité. Le confinement fait que nous sommes tout le temps fourrés dans les mêmes pièces. Bien sûr, nous continuons à travailler et nous préparons déjà le BIFFF 2021 mais sans véritable entrain. Parce que bosser une année pour voir tout annulé au dernier moment, ce n’est pas rigolo. Sinon, ça va (rires).
Il y aura donc bien un BIFFF 2021 ?
Oui, si nous n’avons pas de météorite qui nous frôle à ce moment (rires). Ce ne serait pas étonnant vu ce qui s’est passé ces dernières années. Il y aura donc bien une 39e édition du BIFFF. Une 39e car la 38e avait été préparée, programmée et tout était prêt. Nous ne pouvons donc décemment pas dire aux gens qui avaient travaillé sur cette édition que cela n’aura été pour rien. C’est la première fois que le BIFFF est annulé et c’est mieux que cela se passe maintenant plutôt que dans le passé. On l’aurait senti passer alors que maintenant, il est plus difficile de se passer du festival.
En effet, le BIFFF est devenu une véritable institution. Quelle aventure depuis la première édition que vous aviez lancée.
Pour moi, c’est un étonnement de tous les jours. Chaque fois que je dis que je vais arrêter, j’ai des gens qui me disent que je dois continuer. Car si personne n’est là derrière, il faudra faire quelque chose. Mais à la base, notre volonté n’était pas de faire quelque chose d’aussi gros. Nous avions envie de monter notre festival et nous savions qu’il allait y avoir des amateurs mais nous ne pouvions pas croire que cela prendrait une telle ampleur.
Comment expliques-tu aussi cette atmosphère unique et cette folie propre au festival ?
Je n’en sais rien. La première année, nous avions demandé au Magic Land d’animer les gens qui attendaient dans les files pour ne pas qu’ils se fassent trop chier. Tous les jours, ils faisaient des sketchs et tous les jours, les spectateurs rentraient de bonne humeur. A un moment, une personne a ouvert un peu sa gueule pendant un film, un autre lui a répondu. Et comme nous n’étions pas des gendarmes, nous avons laissé faire. Parfois, nous temporisions un peu mais c’est tout. Au BIFFF, les gens savent qu’il n’y aura pas des barrières nadar pour les séparer des invités et 1m50 entre chaque personne. C’est une manière non-conventionnelle de voir un événement cinématographique. C’est peut-être aussi dans l’air du temps.
Qu’est-ce qui te manque le plus dans le festival ?
Les réunions avec l’équipe. J’aime aussi me trimballer dans le festival et voir l’évolution qu’il a, notamment avec le marché du film. C’est dommage car cette année, ils avaient aussi fait un agenda qui allait tout déchirer. Mais on essayera de faire aussi bien l’an prochain voire mieux.
Chaque année le BIFFF innove et lance de nouveaux concepts. Quels sont pour toi les plus notables de ces dernières années ?
Celui qui porte le plus à conséquence, c’est l’établissement d’un marché du film. Sinon, nous avons lancé la Zombifff Run qui était très chouette et nous avons repris le court-métrage que nous avions un peu laissé tomber à un moment.
En termes de programmation aussi le festival évolue et anticipe même les tendances comme avec le cinéma coréen.
C’est en grande partie dû à l’arrière garde avec Jonathan, Youssef et Chris qui font des choses incroyables. Ce n’est pas sous l’impulsion des dinosaures, comme ils nous appellent. Il y a beaucoup de dynamisme dans notre équipe et chacun pousse certaines initiatives. Pour le cinéma coréen, c’est aussi à force de mettre notre nez partout et de faire tous les marchés. Nous avons vu aussi que les films russes se multipliaient et même si nous ne sommes pas aidés par la Russie, nous montrons aux spectateurs que dans les prochaines années, ils peuvent s’attendre à de plus en plus de films russes.
Quels sont les projets qui te tiennent à cœur pour l’avenir du festival ?
Écoute, je suis occupé à préparer une exposition sur l’histoire des affiches du festival à Buenos Aires. Ce sera dans un musée et ce sera une différente manière de présenter le festival. Ensuite, ce serait bien d’avoir quelques sponsors de plus pour pouvoir faire venir un peu plus de grosses pointures au festival. À un moment, quand tu es sur la route, il faut savoir échanger sa mobylette contre une grosse Harley. Les coûts pour faire venir des pointures est plus grand mais ce serait chouette d’en avoir les moyens. Nous avons déjà instillé un solide changement dans l’idée que beaucoup se faisaient du fantastique en Belgique, en tout cas au niveau des professionnels.
N’as-tu pas peur de perdre l’atmosphère du festival s’il grandit trop ?
Je ne pense pas. Quand nous engageons quelqu’un, nous vérifions d’abord qu’il s’intègre parfaitement dans l’équipe avec laquelle il va devoir travailler. Les gens du festival vont changer comme les manières de travailler, c’est normal. Mais le festival en lui-même ne changera pas vraiment.
Parlons maintenant de tes souvenirs de festival, quels sont les séances mémorables que tu as vécues ?
Je me souviens du Silence des Agneaux (ndlr : en 1991), nous avons perdu des sponsors après cette séance. Il s’avère que pour certains, il n’était pas indiqué de diffuser un film où des gens se font manger en séance d’ouverture ou de clôture. Sinon, les films sont souvent liés à des invités spéciaux comme Terry Gilliam ou Wes Craven. Je me rappelle aussi de Phenomena. Dario Argento était là et il est remonté sur scène après le film. Il a essayé de parler mais c’était un stade de foot. Il n’arrivait pas à en placer une car les gens gueulaient dans tous les sens. C’était phénoménal.
Tu retiens une année mémorable ?
J’adorais l’ambiance à Tour&Taxi. C’est dommage que le revêtement soit en béton et au final, c’était plus du camping qu’autre chose. Mais je trouvais ça géant. C’était une fête et nous n’avions aucun problème pour accueillir les gens. Il y avait toujours quelque chose à voir. Bien sûr, cela nous prenait une semaine de montage et on ne rigolait pas tous les jours. Je garde aussi en tête la 4e édition qui a été une édition charnière. Après les trois premières, nous ne savions pas s’il y en aurait une suivante. Après la 4e, nous savions qu’il y aurait des prochaines éditions. Ringo Starr était venu, Peter Fonda et Donald Pleasance. Et puis, nous avons commencé le Bal des Vampires.
La réplique du public qui te fait le plus rire ?
Certaines me font vraiment chier car elles sont ridicules et sont juste faites pour se faire remarquer mais certaines sont bonnes. Quand nous avions diffusé La Mouche 2, un personnage saute sur un bateau et quelqu’un s’est exclamé « C’est un bateau-mouche ». C’était drôle sur le moment. Sinon, quand nous avions passé Le Déclic avec Jean-Pierre Kalfon, Luc Honoré du journal Le Soir avait titré « Le Déclic ? Non, des claques. » Ça m’avait bien fait rire.
Et le plus important pour la fin : plutôt Troll ou maitrank ?
Troll ! Le maitrank c’est bon mais ça tape trop. La première année où Jean-Luc est venu, je faisais le tour avec les invités et nous étions au bar VIP sponsorisé par Jameson. Nous avons bu un petit Jameson puis un maitrank chez Jean-Luc puis une Troll au bar. C’était un solide mélange et j’étais bien arrangé ! Le maitrank, ça tue (encore ? Jamais plus !).