Tandis que l’on attend la sortie d’un cinquième volet des aventures d’Indiana Jones et que Steven Spielberg annonçait récemment se retirer du projet pour céder la place à un autre réalisateur, plongeons un peu dans les archives de la licence !
Derrière ce titre accrocheur et quelque peu mensonger se cache une histoire vieille de vingt-sept ans et quelque peu oubliée du grand public. Car si l’on compte aujourd’hui quatre long-métrages à la licence Indiana Jones, Harrison Ford est en réalité apparu cinq fois sous les traits de l’intrépide aventurier !
Les Aventures du Jeune Indiana Jones
Dans la lignée du prologue de La Dernière Croisade dans lequel on pouvait voir River Phoenix interpréter un Indiana Jones adolescent, George Lucas eut l’idée de créer une série télévisée à visée éducative mettant en scène le plus célèbre des archéologues.
C’est ainsi que naquirent Les Aventures du Jeune Indiana Jones ! Située entre 1908 et 1920, cette série mettait en scène trois acteurs différents : le jeune Corey Carrier le temps de sept épisodes établis en 1908-1909 ; Sean Patrick Flanery pour la majorité de la série, incarnant un Indiana Jones adolescent dans les années 1916-1920 ; et George Hall incarnant un Indiana Jones âgé de nonante-trois ans et relatant ses aventures passées durant l’ensemble des trois saisons portées à l’écran.
Coproduite par Lucasfilms et la branche télévisée de Paramount Pictures, cette série visait à confronter l’archéologue à toute une quantité de personnages illustres et célèbres. Comme l’exprimera plus tard Frank Darabont alors scénariste sur la série : « [George Lucas] voulait dire aux gens qui étaient Albert Schweitzer ou Pancho Villa, des choses qu’on a tendance à oublier dans notre société MTV dans laquelle les capacités d’attention sont très limitées ».
Pour atteindre son objectif, George Lucas réunit une équipe de scénaristes parmi lesquels on trouvait notamment le précité Frank Darabont qui réalisera plus tard les somptueux Les Évadés (1994) et La Ligne verte (1999), avant de s’attaquer à la première saison de The Walking Dead (2010). Ou encore, Jonathan Hensleigh qui, quant à lui, participera par la suite aux scénarios de Une journée en enfer (1995), Jumanji (1995) et Armageddon (1998).
Carrie Fisher – la princesse Leia de Star Wars – elle-même livrera un scénario pour l’épisode « Paris, October 1916 » ! Suite à la publication de son autobiographie Postcards From The Edge (1987) et à l’adaptation cinématographique de celle-ci en 1990, Fisher désirait poursuivre l’expérience scénaristique. George Lucas lui demanda donc de scénariser un épisode.
L’année suivante, l’actrice et scénariste déclara au magazine Star Wars Insider : « Il m’a demandé de faire un épisode et c’était très, très ennuyeux, mais également très, très drôle. On se hurlait dessus. On se disputait pour les scènes d’amour. Nous ne pouvions pas être plus en désaccord – dans aucun monde que ce soit – concernant les scènes d’amour. Nous avons eu des heures entières de “Pourquoi tu ne dirais pas ça ? Moi je parle comme ça”, me disait-il. Je ne crois pas ! Et si on le laisse parler comme ça c’est parce que c’est George Lucas et qu’on le laisse s’en tirer ».
Au final et comme souvent, George Lucas parvint à imposer sa vision : « Il a gagné. Il m’a laissé imposer ma vision durant l’ébauche écrite, puis a changé les choses au moment du tournage. Ça m’a rendue dingue ! ».
Lucas chapeautait en réalité l’intégralité de la série, que ce soit en apportant un cadre bien établi ou tout simplement une ligne directrice du genre : « Indy a neuf ans et rencontre Tolstoï »[3]. Néanmoins, avec le temps, les scénarios émergèrent davantage de l’équipe de scénaristes, dans un travail de réflexion commune.
Mais à côté de scénaristes de renom, Les Aventures du Jeune Indiana Jones bénéficieront également de cinéastes prometteurs, comme Mike Newell qui réalisera les épisodes « Florence, May 1908 » et « Istanbul, September 1918 » avant de s’attaquer à Harry Potter et la Coupe de Feu douze ans plus tard. Joe Johnston lui-même, réalisateur de Chérie j’ai rétréci les gosses (1989), Jumanji (1995), Jurassic Park III (2001) et Captain America : The First Avenger (2011) donnera vie au segment « Princeton, February 1916 ». Sans compter qu’il n’en était pas à son coup d’essai sur la licence puisqu’il participa déjà aux Aventuriers de l’Arche Perdue (1981) en tant que directeur artistique !
Mais le plus étonnant reste encore le regretté Terry Jones, membre des Monty Python, qui réalisa l’épisode « Barcelona, May 1917 » dans lequel Indiana Jones rencontrera Pablo Picasso.
Côté distribution, Les Aventures du Jeune Indiana Jones comporte quelques grands noms : Timothy Spall, Catherine Zeta-Jones, Bob Peck, Jean-Pierre Cassel, Keith David, Isaach de Bankolé, Christopher Lee, ou encore Jeffrey Wright dans le rôle de Sidney Bechet et Max von Sydow en Sigmund Freud. On verra même Terry Jones faire une apparition dans l’épisode qu’il réalisa, et Daniel Craig dans l’un de ses premiers rôles.
Néanmoins, le plus amusant reste encore la présence au casting du chanteur Francis Lalanne qui fera une apparition en soldat français dans un épisode situé à Verdun en 1916. Dans le même ordre d’idées, on trouve également au casting l’acteur Paul Freeman qui interprétait Belloq dans les Aventuriers de l’Arche Perdue et apparaîtra ici dans un tout autre rôle à deux reprises.
Mais ce casting comportait surtout un acteur belge en la présence de Ronny Coutteure, grand amateur de bière et biérologue (ou « zythologue ») aujourd’hui disparu. Coutteure jouera ainsi le rôle de Rémy Baudouin, le meilleur ami d’Indiana Jones apparaissant dans neuf des vingt-huit épisodes de la série. Celui-ci est donc l’un des acteurs les plus présents au casting, juste derrière Sean Patrick Flanery (Indy à 20 ans) et George Hall (Indy à 93 ans).
Un succès mitigé…
La série fut acceptée par la chaîne ABC qui diffusa le premier épisode le 4 mars 1992. Cependant, effrayée par les faibles audiences, elle retira celle-ci de ses grilles après seulement six épisodes. Il faut bien avouer que les premières aventures mettant en scène Corey Carrier (Indy enfant) manquaient cruellement de rythme, tandis que le commentaire de George Hall alourdissait les intrigues : pour l’anecdote, les scènes de ce dernier furent entièrement coupées au montage pour la réédition dvd en 2008, tandis que la série sera remontée dans l’ordre chronologique.
Finalement, la chaîne américaine se décida à reprogrammer le show et même à produire une deuxième saison. Le 21 septembre 1992 fut donc diffusé l’épisode « Austria, March 1917 » inaugurant ce second volet des aventures du Jeune Indiana Jones. Mais le succès n’étant toujours pas au rendez-vous, ABC déprogramma tout simplement la série tandis que quatre épisodes devaient encore être diffusés. C’est finalement Family Channel qui récupéra la licence et produisit une troisième et dernière saison.
Les audiences n’étant finalement pas remontées, Les Aventures du Jeunes Indiana Jones s’arrêtèrent après vingt-huit épisodes.
Pourtant, malgré ce manque de succès auprès de public, il s’agit d’une production télévisuelle de très grande qualité qui aura participé à l’essor des effets spéciaux sur le petit écran, ceux-ci ayant notamment été utilisés pour agrandir des immeubles, des armées ou encore des foules.
Plus encore, celle-ci disposait d’intrigues riches et de protagonistes hauts en couleur transportant le spectateur à travers l’histoire. Parmi une centaine de personnages illustres apparus à l’écran, on citera par exemple Al Capone et Elliot Ness, Albert Schweitzer, Bram Stoker, Charles de Gaulle, Erich von Stroheim, Ernest Hemingway, l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, Franz Kafka, George Gershwin, Gertrude Bell, Hô Chi Minh, Howard Carter, Irving Berlin, John Ford, Léon Tolstoï, Louis Armstrong, Norman Rockwell, Pablo Picasso, Pancho Villa, Sidney Bechet, Sigmund Freud, Theodore Roosevelt, Thomas Edison, Lénine, William Butler Yeats, Winston Churchill ou encore Lawrence d’Arabie !
La série ira jusqu’à faire du compositeur italien Giacomo Puccini un courtisan d’Anna Jones, la mère du héros, tandis que l’espionne Mata Hari fera de ce dernier un homme…
Au final, la série aura filmé dans plus de vingt-cinq pays et gagné dix Emmy Awards, tout en ajoutant trente autres nominations à son palmarès. Elle sera encore nominée en 1994 à la cérémonie des Golden globes dans la catégorie « Best Television Drama Series ».
Et Harrison Ford là-dedans ?
Au-delà du côté trop historique qui aura pu rebuter plus d’un spectateur, le gros défaut des Aventures du Jeune Indiana Jones était finalement de n’être pas porté par Harrison Ford. Si Sean Patrick Flanery fit de son mieux pour relever le show, son relatif manque d’expérience ne lui permit pas de soutenir l’édifice. Par la suite, à l’exception de quelques rôles notables comme dans le magnifique Powder (Victor Salva, 1995), les tarantinesques Boondock Saints (Troy Duffy, 1999 et 2009), ou d’une apparition dans le clip Howlin’ for You des Black Keys, Flanery ne parviendra pas à s’imposer à Hollywood.
Mais tandis que les audiences de la série étaient en baisse, George Lucas contacta Harrison Ford afin de lui demander d’apparaître dans la série en Indiana Jones quinquagénaire, avec l’espoir de redresser la situation.
L’acteur était à l’époque en pleine préparation pour Le Fugitif (Andrew Davis, 1993) et s’était donc laissé pousser la barbe afin d’incarner le Docteur Richard Kimble. C’est pourquoi Indiana Jones est barbu dans cette apparition. Au-delà de cela, Ford avait mis une condition à sa participation à la série : que son segment soit filmé à Jackson Hole (Wyoming) non loin de son ranch. Ainsi, la séquence filmée en décembre 1992 fut bouclée en un seul jour de tournage pour une diffusion qui prit place le 13 mars 1993.
Par la suite, fidèle à sa retenue au cours des interviews, Ford déclarera : « J’aime beaucoup Les Aventures du Jeune Indiana Jones, donc je suis heureux d’avoir pu faire partie de l’aventure »…
Notons que pour la version française, Claude Giraud viendra de nouveau doubler Harrison Ford, comme ce fut le cas dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue.
Intitulé « Mystery of the Blues », l’épisode s’ouvrait sur une poursuite en voiture dans laquelle Indiana Jones (Harrison Ford) et son ami Greycloud étaient poursuivi par des hommes armés tentant de s’approprier une relique sacrée indienne. Après avoir trouvé refuge dans une cabane abandonnée, Jones découvrira un saxophone l’amenant à se remémorer son passé. Suite à ce prologue, le spectateur sera transporté en 1920, à l’époque de la prohibition et des speakeasies.
Passionné de jazz, Indy (Sean Patrick Flanery) admire le groupe de Sidney Bechet durant ses pauses de serveur au Colosimo’s Cafe de Chicago (du nom du mafieux Jim Colosimo). N’hésitant pas à s’échapper la nuit du campus de l’université avec son ami Eliot Ness pour se rendre dans les clubs de musique, Jones perdra la face en cherchant à réaliser un solo de saxophone sur scène. Compatissant, Sidney Bechet prendra l’apprenti-musicien en main afin de lui enseigner l’essence du jazz. Ce faisant, Indiana Jones découvrira l’autre côté de la barrière raciale et le sort réservé aux afro-américains.
Mais lorsque Big Jim Colosimo sera assassiné devant son restaurant, Jones et Eliot Ness devront mener l’enquête, aidés par leur ami Ernest Hemingway ! Les trois enquêteurs se heurteront ainsi à l’univers de la prohibition en affrontant Johnny Torio et un certain Alphonse Capone…
Après ce long flash-back plongeant le spectateur dans cette période rythmée de l’histoire des États-Unis, le récit reviendra dans le Wyoming, tandis qu’Indiana Jones (Harrison Ford) et Greycloud seront rattrapés par leurs poursuivants. Alors que ces derniers quitteront le chalet en possession de la relique indienne, Jones soufflera dans son saxophone pour faire s’effondrer la neige du toit, ensevelissant ainsi ses assaillants avant de récupérer la relique et de fuir vers d’autres aventures !
Notons pour l’anecdote que si Harrison Ford se substitua à George Hall dans la version américaine et francophone, les Anglais conserveront les prologues de ce dernier pour la diffusion sur leur territoire. Ainsi, pour le marché britannique, les flash-backs seront toujours amenés par l’Indiana Jones nonagénaire racontant la prohibition à son petit-fils Spike.
En somme, si ces segments ne constituent qu’un total de cinq minutes, ils offrent une autre approche originale du personnage d’Indiana Jones. De quoi patienter un peu en attendant qu’Harrison Ford reprenne du service !