Titre : Debâcle
Autrice : Lize Spit
Éditeur : Actes Sud
Date de parution : 7 février 2018
Genre : Roman
Débâcle, le premier roman de l’auteure belge Lize Spit (Het Smelt pour la version originale en néerlandais) a rencontré un succès inattendu dès sa publication début 2016. Il relate de façon viscérale l’expérience de la faillite de la famille, de l’amitié et du sexe par une jeune adolescente ayant grandi dans un village de la campagne flamande.
Un jeu dangereux
Bovenmeer n’existe pas, mais il pourrait s’agir de n’importe quel petit village flamand. Eva a treize ans en 2002. Elle est née à Bovenmeer et passe tout son temps libre avec les deux autres « mousquetaires », ses copains Pim et Laurens, respectivement fils de fermier et de boucher. Pour tuer l’ennui et échapper à un milieu familial pas franchement épanouissant, les trois ados inventent tout un tas de jeux. Lors de l’été 2002, Pim et Laurens décident de lancer un concours de résolution d’énigme pour faire se déshabiller devant eux les plus jolies filles du village. Pour Eva, l’éveil sexuel des garçons représente une menace. Leur amitié survivra-t-elle à l’adolescence ?
Une nouvelle génération de romancières belges
On a beaucoup comparé Débâcle de Lize Spit à La Vraie vie d’Adeline Dieudonné. Deux romans « crus » racontés par une adolescente confrontée à la violence des hommes. Deux personnages forts ayant grandi dans une famille dysfonctionnelle et dont la mission consiste à sauver le petit frère (dans La Vraie vie) ou la petite sœur (dans Débâcle) de la folie. Si les deux œuvres ont sans conteste de nombreux points communs, il y a quelques différences importantes au niveau de la narration.
Un triple suspense
Dans Débâcle, l’alternance entre trois lignes du temps vise à créer un triple suspense. La narratrice nous plonge ainsi dans ses années d’enfance, avant la mort de Jan, le frère de Pim, puis à l’été 2002, peu après la mort de Jan, et enfin le temps présent, alors qu’Eva, adulte, quitte son domicile à Bruxelles pour retourner à Bovenmeer à l’occasion d’une commémoration de la mort de Jan. Comment et pourquoi Jan est-il mort ? Que s’est-il passé lors du fameux été 2002 ? Pourquoi Eva décide-t-elle de retourner à Bovenmeer avec un énorme bloc de glace dans son coffre ?
La réponse à ces questions n’intervient qu’au bout de 400 pages, après une montée en puissance reflétant par le malaise grandissant ressenti par Eva non seulement envers ses amis d’enfance, mais aussi envers sa famille. Face à des parents démissionnaires, Eva voit sa petite sœur Tessie dépérir et s’isoler des autres. Elle aimerait la sauver, mais comment ?
Une adolescente tiraillée entre des aspirations contradictoires
Même si le triple suspense fonctionne bien, la narration au temps présent paraît un peu longue, alors que les enjeux du retour d’Eva ne sont dévoilés qu’à la fin. Le point de vue du récit reste celui d’Eva du début à la fin, mais l’héroïne de Lize Spit n’est pas aussi attachante que celle d’Adeline Dieudonné, peut-être parce qu’elle semble un peu trop passive et résignée.
Tiraillée entre son désir de plaire aux garçons, sa recherche d’une amitié féminine, sa culpabilité envers sa petite sœur et sa honte de ses parents, Eva a du mal à trouver sa place dans une communauté fermée où les ragots des voisins peuvent détruire une réputation en l’espace de quelques heures.
La relation entre Eva et sa sœur Tessie suscite néanmoins une forte empathie et la solidarité fraternelle semble finalement être le seul espoir de salut à Bovenmeer. Malgré un rythme parfois inégal, Débâcle est un roman choc, profond et réussi, qui touche à ce qu’il y a de plus intime dans chaque être humain.