Invisible Man
de Leigh Whannell
Horreur, thriller
Avec Elisabeth Moss, Oliver Jackson-Cohen, Harriet Dyer, Aldis Hodge, Storm Reid
Sorti le 4 mars 2020
Originellement, cette nouvelle mouture de L’Homme invisible, faisant partie du catalogue des Monstres de la Universal, devait mettre en vedette Johnny Depp et faire partie du grand dessein de « reboot » et d’univers partagé que voulait mettre en place le studio autour de son prestigieux bestiaire. Après le four commercial et critique de l’épouvantable The Mummy – sorti en 2017, avec Tom Cruise – et l’abandon total de toute perspective d’univers partagé, le présent projet est passé dans l’escarcelle et à l’échelle de production beaucoup plus « modeste » de Blumhouse, probablement pour le mieux.
C’est donc un réalisateur de l’écurie Blumhouse, à savoir Leigh Whannell – co-scénariste avec James Wan des premiers volets de Saw et de Insidious –, qui s’empare de l’exercice de style pour lui donner un « twist » trouvant tout à fait sa place dans le grand « brainstorming » actuel qui travaille le cinéma dans son ensemble et le cinéma de genre en particulier : interrogeons et triturons donc les normes et les codes genrés et/ou raciaux qui sous-tendent le cinéma de divertissement et d’exploitation.
La grande idée de cet Invisible Man est de rendre cet « homme » dont il est question bel et bien invisible durant pratiquement toute la durée du film, pour laisser physiquement la place à sa victime, une femme subissant donc un harcèlement constant de la part de cette présence indétectable, une ombre planant sur sa vie jusqu’à la rendre folle et à l’ostraciser par rapport à son entourage. Le film suit donc Cecilia qui, dès la première scène, fuit un compagnon violent et manipulateur qui la harcelait à la fois physiquement et moralement. Trouvant refuge chez un ami d’enfance et la fille de celui-ci, Cecilia se persuade pourtant assez vite que son ancien compagnon, Adrian, scientifique de son état, a trouvé le moyen de se rendre invisible pour continuer à la surveiller et la harceler, au point de la faire basculer imperceptiblement dans la folie.
Cette grande allégorie des violences faites aux femmes – de l’emprise toxique et des mécanismes mis en œuvre à la fois pour qu’elle opère et pour s’en défaire –, déguisée en film d’épouvante dans l’ère du temps, est rythmée par quelques morceaux de bravoure misant pleinement sur une efficacité brute et la mise en place d’une ambiance malaisante – à la fois par des moyens narratifs et audiovisuels. Et c’est principalement dans la réussite de ses effets scénaristiques et de mise en scène que le film parvient à maintenir l’intérêt de son spectateur, dans une grande entreprise d’hypnose sensorielle et immersive, et ce malgré le premier degré parfois pesant, voire naïf, du propos.