Titre : Anthologie des dystopies
Auteur : Jean-Pierre Andrevon
Éditeur : Vendémiaire
Date de parution : 20 février 2020
Genre : Essai
L’Anthologie des dystopies proposée par Jean-Pierre Andrevon, lui-même auteur de science-fiction, offre un panorama très intéressant d’un genre littéraire et cinématographique devenu populaire au début du XXe siècle. L’ouvrage souligne par ailleurs à quel point ces futurs imaginaires, en général très sombres voire apocalyptiques, reflètent les préoccupations du temps présent.
À certains égards, on pourrait considérer que la dystopie est un art à part entière depuis une centaine d’années. Metropolis de Fritz Lang (1926), dont une photographie illustre la couverture de l’ouvrage, est souvent considéré comme le premier film dystopique. En littérature, la dystopie prend véritablement son essor avec Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley (1932), 1984 de George Orwell (1949 et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (1953).
Mais si le genre évoque dans un premier temps des régimes totalitaires et liberticides qui font écho aux idéologie politiques du XXe siècle, les préoccupations évoluent au fil du temps. De nouvelles thématiques émergent comme les armes nucléaires, les technologies internet, ou encore la menace de grands bouleversements climatiques. La Servante écarlate, Black Mirror… Les dystopies les plus populaires en ce début de XXIe siècle ne sont-elles finalement pas que des déclinaisons des premières dystopies qui reflètent avant tout nos préoccupations actuelles ?
L’ouvrage, qui compte un peu plus de 300 pages, commence par une introduction chronologique très utile, qui définit les termes clés et délimite le cadre de l’anthologie. Ainsi, le recensement des dystopies proposé exclue les œuvres de fantasy telles Game of Thrones ainsi que les futurs imaginés sur d’autres planètes que la Terre, ou encore les récits consacrés à des mondes virtuels. Les dystopies étudiées par Andrevon n’évoquent pas des mondes parallèles mais des futurs « crédibles » ou « vraisemblables », à défaut d’être joyeux.
Les principaux chapitres sont ensuite organisés par thèmes : la dictature, la lutte des classes, l’internet, les robots, la religion, la société du spectacle, la surpopulation ou au contraire la dépopulation, les catastrophes naturelles, et enfin la ville-censure. Comme dans toute bonne anthologie, l’Anthologie des dystopies inclue plusieurs extraits des œuvres citées, même si ceux-ci sont en général très courts.
On regrette d’ailleurs que le livre ne comporte aucune illustration. L’évocation des films et des séries dystopiques, en particulier, serait plus puissante si elle avait pour appui quelques images représentatives de l’ « ambiance » caractéristique des grandes dystopies. Très informatif, l’ouvrage met par ailleurs l’accent sur la dimension historique et sociale des œuvres, dressant des parallèles entre les univers dystopiques et les angoisses des hommes et des femmes du temps présent face à la modernité. L’introduction en est d’ailleurs un bon exemple. Très pessimiste, elle suggère que la véritable dystopie… est celle que nous vivons tous les jours dans un monde violent aux règles injustes, opaques et liberticides !
La lecture de l’Anthologie des dystopies est en tout cas une expérience stimulante. En plus de donner envie de (re)découvrir des classiques de la science-fiction, elle nous incite à nous poser des questions sur notre représentation du monde et de l’avenir. Pourquoi les utopies sont-elles si rares à inspirer les grandes œuvres de cinéma et de littérature aujourd’hui, alors que les dystopies continuent de nous fasciner ? La race humaine est-elle inévitablement vouée à l’autodestruction ? Dense, ce livre peut se lire en piochant dans les chapitres, en fonction de la curiosité du jour, plutôt que d’une traite.