Matthias et Maxime
de Xavier Dolan
Drame
Avec Xavier Dolan, Anne Dorval, Harris Dickinson
Sorti le 12 février 2020
Comme toujours mais cette fois peut-être plus encore, on attend au tournant le prodige, lui qui a su fasciner les foules en réalisant un premier film très jeune, en se voyant nommé à Cannes alors qu’il avait tout juste vingt ans, lui qui a su transporter le public et les critiques avant de devoir essuyer des échecs douloureux – on se souvient du mal rythmé Juste la fin du monde et de l’oublié Ma vie avec John F. Donovan. Pour ce grand retour sur nos écrans, Dolan, sans surprises, explore l’expression de l’homosexualité sur fond de rapports conflictuels mère-fils.
Matthias et Maxime ont toujours été très proches, leur amitié renforcée par leur appartenance à une bande de potes soudée. Mais cette proximité va être mise à mal le jour où la sœur d’un ami, insupportable pseudo-réalisatrice au style ronflant, leur demande de s’embrasser pour les besoins d’un court métrage. Les deux jeunes hommes vont alors être confrontés à des doutes concernant la nature de leur relation : et si elle n’était pas seulement amicale ? S’ajoute au malaise, le départ imminent de Maxime pour l’Australie. Maxime se retrouve alors coincé entre l’envie de changer d’air, l’attirance qu’il ressent pour son ami, et la culpabilité d’abandonner une mère ancienne toxico qui semble sans le dire avoir encore besoin de lui.
En racontant les conséquences de ce baiser supposément innocent, Dolan parvient à tirer de la petite anecdote une grande histoire. Ce qui est offert au spectateur est une passion éphémère, un instant fugace qui raconte en sous-texte la vie des deux hommes, leurs rêves et leurs aspirations. Car l’accent n’est pas tant mis sur l’histoire que sur les émotions ressenties par les personnages, avec lesquels on partage les rires et les doutes. Matthias et Maxime parle d’amitié avec finesse, en nous plongeant dans de longues scènes de discussion à la Cassavetes, des moments bruyants remplis d’inside jokes, qui sont si bien construits qu’on s’y croirait presque.
Pour ce huitième long-métrage, Dolan n’hésite pas à piocher dans les ingrédients de son succès : l’esthétique des sentiments, les cris et la douleur, le travail des couleurs et pour relever le tout une bande-son bien choisie. Comme toujours, tout dans ce nouvel opus, que ce soit la composition de l’image – avec ses tons chaleureux – ou encore ses dialogues – qui parfois drôles et souvent touchants racontent joliment ces amitiés qui ne meurent jamais – tout est pensé pour donner au film un aspect harmonieux. Le casting est lui aussi à l’image de ce que le réalisateur québecois à l’habitude de proposer. Et ce n’est pas peu dire puisque – aux cotés d’acteurs moins connus internationalement et d’actrices qu’on avait déjà vu dans Mommy telles que Anne Dorval et Catherine Brunet – on retrouve Dolan en tête d’affiche. D’un côté, il est vrai que le réalisateur porte cette deuxième casquette à merveille. Mais de l’autre, on lui regrette ce rôle un peu facile de garçon timide et plein de charme qui a honte d’une tache de vin qui lui coupe la moitié du visage et qui le rend pourtant si unique. Son camarade Gabriel D’Almeida Freitas est lui aussi très cohérent dans la peau de Matthias mais il se pose malheureusement toujours un peu dans l’ombre d’un Dolan trop présent. In fine, le pari est tenu pour ce huitième film qui reste très juste dans ce qu’il raconte. Mais la prise de risque est assez faible, Dolan s’est basé sur ses vieilles recettes pour réaliser un film certes très réussi mais toujours un rien prétentieux.