Création du Collectif Greta Koetz. Avec Marie Bourin, Antoine Cogniaux, Sami Dubot, Thomas Dubot, Léa Romagny. Du 21 janvier au 1er février 2020 au Théâtre National. Crédit photo : Dominique Houcmant
Les artistes du collectif Greta Koetz nous invitent à un repas entre amis organisé sur le plateau de la salle Jacques Huisman du Théâtre National. Ils nous accueillent, souriants, en proposant du vin et quelque chose à grignoter : « ça nous fait plaisir que vous soyez là ». Comme des invités, donc, on prend place et on observe les détails de la scène. Dans l’air, l’odeur de la nourriture qui mijote sur le feu rend tout encore plus réel et la table au milieu de la pièce semble n’attendre rien d’autre que ses commensaux. Et voilà, c’est prêt ! Tout le monde s’assied et le repas peut commencer.
Léa et Thomas ont invité un couple d’amis, Antoine et Marie, un autre homme (dont le rôle n’est pas tout de suite clair) et le public tout entier, en espérant passer un moment convivial car Thomas ne va pas très bien dernièrement et a besoin, peut-être, de se changer les idées. La conversation passe du bateau d’Antoine à un documentaire sur les manchots (qu’il ne faut pas confondre avec des pingouins, comme Léa le précise), aux cadeaux que les collègues de travail envoient à Thomas et le repas semble se dérouler comme il faut.
Sauf qu’il y a des questions qu’il ne faudrait jamais poser lors d’un repas. Enfin, peut-être qu’il ne faudrait pas les poser tout court, qu’importe la situation. Donc voilà que quand Thomas demande à Marie si elle serait d’accord de le dévorer après sa mort, qui aura lieu le soir même, ce moment convivial devient un cauchemar éveillé qui plonge tout et tous dans une esthétique grotesque et surréaliste. Au fur et à mesure, tous les masques tombent et malgré les tentatives de revenir aux conventions sociales officiellement reconnues, les commensaux libèrent leurs impulsions les plus sauvages. La musique et les chœurs accompagnent l’avancement de l’histoire du début à la fin en soutenant le changement d’esthétique du spectacle.
Résultat d’un riche travail d’écriture de plateau, On est sauvage comme on peut met en scène le décalage entre les instincts primordiaux et impulsifs de l’homme et les comportements auxquels la société nous invite, voire nous oblige ; et les restitue sur scène de manière hilarante et intelligente. Le choix d’utiliser le cannibalisme comme porte d’entrée du délire est brillant car permet d’assumer totalement l’aspect grotesque de la mise en scène. Manger littéralement un autre homme choque et dégoute. Mais il n’y a pas d’autres manières de dévorer les autres –certes plus symboliques- qui sont, par contre, presque acceptées dans la société ?
A la fin du spectacle, si on demandait aux spectateurs quel est le sujet de la pièce, certains diraient le cannibalisme, d’autres les règles imposées par la société ou encore la folie. Peut-être que On est sauvage comme on peut est un spectacle léger et complexe à la fois qui parle d’humanité, et qui le fait d’une manière tout à fait personnelle et inédite.