Comme les années précédentes, l’édition 2019 du Waterloo Historical Film Festival (WaHFF) offre une programmation de grande qualité. En attendant l’annonce des lauréats dimanche 20 octobre, nous avons demandé à quelques membres du Jury officiel de partager leur vision sur le film historique comme genre.
Le film historique est-il un « film de genre » ?
Vincent Lannoo (Président du Jury) : Pas du tout. Les vrais films importants aujourd’hui sont souvent des films historiques. Je pense par exemple au film Le Jeune Karl Max de Raoul Peck, et à son documentaire I Am Not Your Negro. L’histoire, le passé, c’est important pour aguerrir le présent et l’avenir.
Mehdi Dehbi : Qu’est-ce qu’un film d’histoire après tout ? C’est une définition assez vague : il a l’histoire telle qu’on la connait, telle qu’on la raconte… Où est la frontière ?
Lannoo : Oui, c’est vrai, c’est une question que je me suis posé en arrivant au festival. Par exemple, est-ce que la série Game of Thrones peut être considérée comme une série historique ? J’ai réalisé une série d’anticipation, Trepalium, qui pour moi a une dimension historique.
Parmi les 8 films de la compétition officielle, sept se déroulent au XXe siècle et seulement un au XIXe. Comment expliquez-vous que les périodes plus anciennes soient ainsi sous-représentées ?
Nicolas Gob : Le passé plus proche, ça me paraît être un vecteur instinctivement plus facile pour raconter des histoires. Pour traiter de certains sujets, remonter loin dans le passé demande une démarche différente, plus complexe et profonde.
Lannoo : Je suis assez d’accord avec ça. Parlez de la violence conjugale au temps des Égyptiens, c’est quand même moins facile…
Bérangère McNeese : J’ai tourné dans Le Viol d’Alain Tasma : un film sur deux jeunes femmes belges violées par trois hommes dans une calanque à Marseille en 1974, et dont Gisèle Halimi a été l’avocate pendant le procès. Pour moi, c’est un film historique, et pourtant il parle d’un sujet contemporain, proche de nous.
Les séries historiques rencontrent aussi un grand succès. On voit à la fois des films qui deviennent des séries, comme Au nom de la Rose, et des séries qui deviennent des films, comme Downtown Abbey. Que pensez-vous de cette tendance ?
Fanny Desmares : Je n’ai pas vu la série Au nom de la Rose mais je pense que, dans le cas de Downtown Abbey, il y avait une vraie attente du public de finir la série en apothéose. Personnellement, j’évalue un film ou une série avant tout comme spectatrice, et c’est le fait d’intégrer la petite histoire dans la grande qui, souvent, génère l’émotion et l’intérêt.
Pourquoi à votre avis est-ce que le genre historique intéresse si peu les cinéastes belges, par rapport aux Français notamment ?
Fanny Desmares : Je ne pense pas qu’il y a du désintérêt de la part des cinéastes belges ou du public belge. Il n’y qu’à voir le succès de festivals comme le WaHFF ! Quand on sait à quel point un film est difficile à monter, c’est sûr qu’ajouter une dimension historique est encore plus compliqué. Il faut trouver un producteur audacieux ou avoir un budget conséquent.
Si vous pouviez choisir un thème, un personnage ou une période historique pour votre prochain film, quel serait-il ?
McNeese : Pas facile de répondre : il y a tellement d’histoires à raconter ! En tant que comédienne, j’ai tendance à rechercher des rôles féminins forts. J’aime aussi les personnages qui ont un rapport intéressant à la féminité, qu’il s’agisse de femmes qui surjouent ses codes ou au contraire qui les rejette. J’habite Montmartre et je passe souvent près du Moulin rouge. En consultant les archives, j’ai découvert que la Goulue, cette danseuse de French cancan [à la fin du XIXe siècle/début du XXe siècle], est un personnage fascinant par exemple.
Desmares : Mon prochain projet sera un film historique, situé au début du XXe siècle. Il s’agit de l’histoire d’un petit garçon de sept ans qui a un ami imaginaire. On découvre qu’il s’agit du réalisateur et illusionniste Georges Méliès, et que quand il grandit son ami imaginaire » est remplacé par Jehanne D’Alcy, sa muse.
J’ai aussi écrit un autre scénario de film historique, cette fois situé dans l’entre-deux-guerres à Paris. Mais je dois dire que je ne cherche pas forcément à travailler sur des films historiques. Je fonctionne au coup de cœur… et il se trouve que les histoires qui me touchent m’amène souvent à remonter le temps !
Plus d’infos sur le Jury complet et les films en compétition officielle sur www.2019.wahff.be
[Catherine Jacob et Hector Langevin, également membres du Jury, n’ont pas participé à l’entretien]