Titre : Une étincelle de vie
Auteure : Jodi Picoult
Editions : Actes Sud
Date de parution : 1er mai 2019
Genre : roman
La grande originalité du dernier roman de Jodi Picoult repose sur son rythme : très cinématographique. Dès le début de l’histoire, on est directement plongé dans une scène de braquage armé. Il y a des morts, des blessés, des personnes paniquées. Et un tireur. Un homme bouleversé, à peine conscient de ce qu’il vient de faire. Et puis on remonte dans le temps, heure par heure. Et on se retrouve progressivement à l’origine de cette situation dramatique.
Et de drame, il en est bien question. Quel est cet endroit qui provoque autant de tension ? Qui voit des anti et des pro se déchirer au nom de croyances et de convictions qui devraient rester dans le registre du personnel ? C’est bien dans un centre qui pratique des interruptions volontaires de grossesse que Jodi Picoult plante son décor. Ou plutôt devrait-on dire dans LE seul centre dans l’Etat du Mississippi qui les pratique encore (authentique*). En mettant l’IVG au centre de son roman, l’auteure met une fois de plus le doigt sur une question qui fait débat aux Etats-Unis, son pays d’origine. Tout comme dans son précédent roman, Mille petits riens, on avait déjà pu observer l’étendue de son implication dans un autre combat, le racisme.
L’histoire contient une dose toute relative d’angoisse et de romanesque avec un négociateur qui doit garder son sang-froid pour faire la causette à un preneur d’otages qui détient entre autres sa fille dans le centre. Mais ici, la fiction n’est que prétexte.
En effet, l’auteure nous immerge dans du concret, des cas de figure qui ne sont pas de la fiction : des femmes trop jeunes pour être mères, des femmes pour qui ce n’est pas le bon moment, des femmes trop pauvres pour assurer l’éducation correcte d’un enfant ou des femmes qui ne veulent tout simplement pas d’enfant. Elles sont entourées d’infirmières, d’une psychologue, d’une accompagnatrice qui les escorte depuis le parking où les manifestants « pro vie » les harcèlent et d’une gérante de l’établissement qui a fait du Choix des femmes son cheval de bataille. Et un homme dans tout ça, un médecin qui, comme tout le personnel du centre, doit affronter des menaces parce qu’il pratique des IVG. Dans ce huis clos très féminisé, on perçoit l’intention volontaire de l’auteure de démontrer que l’IVG et la contraception restent malheureusement une responsabilité de femmes.
L’effet Jodi Picoult c’est aussi de ne pas bêtement nous présenter les bons et les mauvais, mais de faire preuve de plus de discernement en dépeignant la réalité. Elle s’est fortement documentée et basée sur des études pleines de chiffres et de cas portés en justice pour aborder son roman. Elle s’est également imprégnée de beaucoup de témoignages de femmes qui ont subi un avortement mais aussi…de personnes anti avortement. Comme elle l’exprime avec sagesse à titre personnel en fin d’ouvrage : « Nous ne sommes peut-être pas sur la même longueur d’onde mais nous pouvons respecter les opinions des autres et essayer d’y déceler une part de vérité. (…) Peut-être nous verrons-nous plutôt comme des êtres humains pétris d’imperfections, qui s’efforcent de faire de leur mieux ».
Après cette lecture, on devine que Jodi Picoult en a gros sur la patate à propos de certains sujets mal légiférés ou laissés à l’appréciation de personnes peu compétentes. Pour le faire savoir elle a choisi son arme, l’écriture. Et on a hâte qu’elle la dégaine à nouveau…
* depuis 2018 aux Etats-Unis, un certain blondinet en surpoids accro aux UV a coupé les vivres aux centres qui pratiquent les IVG, contraignant nombre d’entre-eux à fermer leurs portes.