Batman : Hush
de Justin Copeland
Animation
Sorti en DVD le 6 août 2019
Après quatre films consacrés à la Suicide Squad, à Superman ou à la Ligue des Justiciers, le DC Universe Animated Original Movies en revient à sa poule aux œufs d’or en consacrant un quatorzième long-métrage animé au Justicier de Gotham.
Un an après l’adaptation de Gotham by Gaslight et deux ans après The Killing Joke, c’est aujourd’hui le magnifique Batman : Hush que DC Comics choisit de porter à l’écran ! Ce récit brillamment dessiné par Jim Lee en 2002-2003 sur un scénario de Jeph Loeb constitue en effet un des arcs narratifs consacré au Chevalier Noir que les fans rêvaient de voir porter à l’écran depuis longtemps.
Suite à l’enlèvement d’un jeune garçon par Bane, Batman sera tour à tour confronté à certains de ses plus grands ennemis : Poison Ivy, l’Homme Mystère, Clayface, Harley Quinn ou encore le Joker, tous manipulés par un étrange individu masqué répondant au nom de Silence…
Si DC avait réussi le tour de force consistant à massacrer le mythique The Killing Joke en 2016 par l’ajout d’une quarantaine de minutes absentes du comics original et de scènes cherchant inutilement la controverse, la société vient de récidiver avec Hush !
Le premier problème de taille dans cette adaptation est le style graphique, calqué sur le design New 52 depuis 2012. Depuis la sortie de The Flashpoint Paradox, les films DC ont pour la grande majorité adopté le même style graphique. Si cela permet d’intégrer une continuité à cet univers animé, ce choix s’avère peu judicieux lorsqu’il s’agit d’adapter le dessin de Jim Lee. D’une remarquable finesse et d’un superbe réalisme, ce trait parvenait à donner vie avec brio au scénario original de Jeph Loeb. À côté de cet inégalable coup de crayon, le style graphique et l’animation New 52 font pâle figure…
Ensuite, l’histoire ici animée diffère fortement de son pendant original. L’œuvre signée Jeph Loeb et Jim Lee n’hésitait pas à se plonger pleinement dans la mythologie du Chevalier Noir pour faire intervenir divers personnages, tout en dévoilant de grands pans du passé de Bruce Wayne. Le tout sous-tendu par un suspense lié à l’identité de Silence et aux retournements associés.
La version animée, quant à elle, dévalorise d’entrée de jeu son intrigue en intégrant au récit le personnage de Bane, absent du comics – dans celui-ci, c’est Killer Croc qui était l’instigateur de la prise d’otage présentée au début de l’histoire. Bane est un personnage plus familier que Killer Croc pour le grand public car présent dans le dernier volet de la trilogie Dark Knight de Christopher Nolan – Killer Croc était pourtant quant à lui présent dans le Suicide Squad de David Ayer. Ainsi, sans autre raison apparente que l’argument commercial visant à intégrer des personnages familiers au grand public, un premier changement sera fait d’entrée de jeu sans que cela ait le moindre intérêt ni même d’impact sur l’intrigue.
Par la suite, d’autres changements interviendront : Batgirl et Catwoman viendront au secours de Batman au lieu de Huntress, également moins connue du grand public ; absence de Harvey Dent/Double Face qui jouait un rôle primordial dans le comics ; présence de Thomas Elliott, l’ami d’enfance de Bruce Wayne, réduite à rien, etc. Mais surtout, en cherchant à rattacher le film à un univers construit, Batman : Hush crée des incohérences qui auraient largement pu être évitées si le film n’avait pas été lié aux précédents volets.
Pour comprendre cela, il faut comprendre de quoi est composé le DC Universe Animated Original Movies : outre des épisodes liés les uns aux autres et disposant d’un style graphique commun, on trouve des long-métrages standalones comme The Killing Joke, Gotham by Gaslight, Batman Ninja ou encore Batman et les Tortues Ninja.
Outre le style graphique qui permet de rattacher les films les uns aux autres, il peut parfois s’avérer difficile de savoir quel long métrage s’inscrit ou non dans la continuité de ses prédécesseurs. Ainsi, Batman : Hush intègre Batgirl à son récit, tout en faisant plusieurs références à The Killing Joke dans lequel celle-ci était pourtant rendue paraplégique par le Joker. De même, Hush présentera le personnage de Jason Todd comme une surprise pour les protagonistes du récit, alors que ce dernier avec déjà été réintroduit en 2010 dans Under the Red Hood.
Dans cette même logique, Batman : Hush intègrera le personnage de Damian Wayne au récit, alors que celui-ci était totalement absent du comics original – pire, en 2002-2003, Damian Wayne n’existait pas encore puisqu’il ne sera imaginé qu’en 2006 dans Batman and Son.
Ainsi, Batman : Hush piétine bien souvent l’œuvre originale dont il est tiré, en recourant au style graphique peu convaincant des animés New 52, en modifiant de grands pans du comics sorti il y a seize ans et en supprimant la majorité des enjeux psychologiques présents dans celui-ci. Outre quelques passages plaisant à voir sous une forme animée, il ne possède finalement pas de grand intérêt et tient presque de l’insulte vis-à-vis du matériau original. Inutile de perdre son temps avec cette adaptation tenant davantage du coup marketing que d’une tentative de livrer une adaptation fidèle et riche, replongez-vous plutôt dans le comics original qui constitue l’une des plus mémorables aventures du Chevalier Noir.