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    Milan Kundera, le romancier de l’âme humaine et de l’insignifiance

    Agé de 90 ans, Milan Kundera est l’un des grands auteurs européens qui a le mieux raconté le 20ème siècle, à l’aune de la condition humaine. Connu pour son roman L’insoutenable légèreté de l’être, le romancier franco-tchèque est l’auteur de onze romans, dont le dernier paru en 2014 est intitulé La fête de l’insignifiance, comme un adieu à la vie littéraire. Ses premiers romans furent écrits en tchèque et les derniers en français, car la France est son pays d’adoption depuis plus de quarante ans.

    Sonder l’âme humaine

    Milan Kundera aura amplement traité les grands thèmes existentiels de l’amour, de l’identité, de la mélancolie, des rapports humains. À travers ses romans et essais, il aura sondé les profondeurs de l’âme et sa complexité, sa grandeur et ses petitesses. Son oeuvre exceptionnelle lui a valu d’être publié de son vivant en 2011 dans la Bibliothèque de la Pléiade de l’éditeur Gallimard, gage de référence et possible promesse d’oeuvre immortelle. Heurté par des erreurs ou fantaisies de traduction, l’auteur a passé un long moment à vérifier les traductions de ses romans, pour assurer la postérité de son oeuvre.

    Bien qu’il partage amplement ses réflexions sur la vie et s’adresse fréquemment au lecteur, en utilisant le pronom « je » pour créer une connivence, Milan Kundera considère que le romancier cherche à disparaître derrière son oeuvre et renonce à devenir un personnage public. Selon Milan Kundera, les romanciers transcrivent une autre voix que leur conviction personelle, qu’il nomme comme « sagesse suprapersonnelle ». L’auteur a été très pusillanime dans l’octroi d’entretiens à la presse et jette un regard négatif sur les médias, qu’il considère réductionnistes et apôtres de la pensée standardisée.

    Dans L’art du roman, publié en 1986, l’auteur explique les ressorts de la fabrication de ses romans, une lecture fascinante pour quiconque est sensible à son oeuvre. Il explique ainsi : « l’interrogation méditative est la base sur laquelle tous mes romans sont construits », autrement dit une méditation sur l’existence. Ses écrits cherchent à capter l’essence de la problématique essentielle de chacun des personnages. Son ambition est affichée, ainsi dans le livre du rire et de l’oubli, il souhaite saisir « la complexité de l’existence dans le monde moderne ». Pour bâtir ses romans, tel un architecte, il est très attentif à leur structure avec une prédilection pour le découpage en sept chapitres et à leur musicalité, lui qui se vouait initialement à une carrière musicale.

    L’obsolescence programmée de l’homme

    À travers son oeuvre, Milan Kundera interroge sur le sens de la vie, avec une conscience aïgue de sa finitude. Dans le roman L’immortalité, il pose le problème en ces termes : « Il faut comprendre le cadran de la vie : jusqu’à un certain moment, la mort reste quelque chose de trop éloigné pour que nous nous occupions d’elle. (…). C’est la première phase de la vie, la plus heureuse. Puis tout à coup, nous voyons notre propre mort devant nous et il est impossible de l’écarter de notre champ visuel ».

    Selon lui, l’homme aspire à l’immortalité qu’il distingue en deux catégories différentes : la petite immortalité, c’est-à-dire rester dans la mémoire de ceux qui l’ont connue, et la grande immortalité, faire partie de l’Histoire.

    L’amour et le comique comme sagesse

    L’amour et le comique entendu comme ironie ou absence de prise au sérieux sont d’ailleurs au centre de son oeuvre. Il écrira ainsi de l’amour dans L’immortalité : « L’amour est quelque chose d’essentiel. Il transforme la vie en destin ».

    Milan Kundera écrit de manière forte et vraie sur l’amour, sous toutes ses formes. Dans La vie est ailleurs, l’amour d’une mère pour Jaromil, son fils et jeune poète est le fil conducteur du livre. Cette oeuvre se penche également sur la découverte de l’amour charnel et des pulsions érotiques au sortir de l’adolescence, âge qu’il qualifie de lyrique. Milan Kundera sait volontiers retranscrire l’intimité d’un couple et le désir.

    Son dernier livre La fête de l’insignifiance se désole d’une époque trop sérieuse, où l’humour et l’impertinence passent mal.

    Réflexions philosophiques et références littéraires

    La marque de fabrique de Milan Kundera est de mêler les petites histoires individuelles à l’histoire collective, de manière parcimonieuse, tout en truffant ses récits d’analyses philosophiques et littéraires.

    Il restera dans nos mémoires un grand Européen, qui a construit un pont entre l’Europe centrale et l’Europe de l’Ouest. Il est aussi celui qui a su conter la vie intime en Bohème à l’heure du communisme. Il n’hésite pas non plus à utiliser des mots allemands dans ses écrits pour préciser un concept ou ses pensées.

    Lire Milan Kundera à 20 ans est conseillé car optimal pour s’enrichir d’une connaissance fine de l’âme humaine et pour apprécier avec lui le lyrisme de la jeunesse. Le lire ou relire plus tard dans la vie, c’est renouer avec la poésie de l’existence.

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