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    « D’innombrables soleils » : l’incandescence du désir

    Titre : D’innombrables soleils
    Auteure : Emmanuelle Pirotte
    Editions : le cherche midi
    Date de parution : 22 août 2019
    Genre : roman

    Dans D’innombrables soleils, l’autrice et historienne belge Emmanuelle Pirotte nous embarque dans un huis clos amoureux du temps de Shakespeare et des auteurs élisabéthains de la fin du 16ème siècle. Elle revisite la vie du dramaturge Christopher Marlowe, qui se retrouve éperdu de désir face à la femme d’un l’ami.

    Suite à une rixe quasi-mortelle, Marlowe, poète esquinté, rencontre Jane, l’épouse de son hôte. Entre eux deux naît une passion que rien n’y personne ne semble pouvoir arrêter. Pour Marlowe, ce désir si puissant semble le reconduire à la vie et le faire renaître. Jane, elle, se sent vivre avec une telle intensité qu’elle ne peut que s’abandonner à l’ivresse qui la prend aux tripes. Quant à Walter, le mari, il se soumet devant la puissance de leur désir respectif.  Il faut dire que, plus jeune, il était lui aussi tombé sous le charme de Marlowe, et qu’il se sent sans doute fautif d’avoir perdu le désir charnel pour sa femme depuis quelques temps. Marlowe s’empare ainsi de Jane, la femme de son ami, sans culpabilité par rapport à ce triangle amoureux, en étant surpris d’éprouver quelque chose d’aussi fort pour cette femme.

    Marlowe et Jane n’ont alors de cesse que de rentrer dans cette fusion, dans cette jouissance si pleine et entière qu’ils se procurent. À l’union des corps s’ajoute un élan artistique, en se faisant la muse l’un de l’autre.

    Après l’ivresse des premiers temps, le retour à la réalité se fait nécessairement, implacablement, malheureusement. Le désir se confronte à la construction impossible du couple. Et la rupture nécessaire de cette parenthèse enchantée se produit, bientôt suivie d’une déchéance. Le lecteur a alors le sentiment que, suite à l’enivrement, la gueule de bois surgit, comme si l’ivresse des sens devait se payer.

    Des fragments de vie du cercle des auteurs de l’Angleterre élisabéthaine surgissent ça et là dans ce récit, avec une emphase sur l’ubiquité des relations homosexuelles entre eux. Les identités sexuelles semblent se jouer des convenances, surtout lors du passage à l’université, et les rapprochements des corps se font naturellement, instinctivement, sans préjuger de l’avenir. On aperçoit aussi les auteurs se jauger, se mesurer les uns et autres et vouloir exceller. Le mystère de l’amitié est brièvement évoqué.

    Dans ce quatrième roman, Emmanuelle Pirotte fait parler le désir, l’intimité, la joie de se fondre l’un dans l’autre, avec un regard aiguisé. D’innombrables soleils tire sa force de cette verbalisation de la puissance du désir et de son attrait inexorable. Cependant, la trame de fond est insaisissable, et c’est là où le bât blesse. On a parfois l’impression que l’autrice s’est laissée emporter dans une écriture automatique, en particulier à la fin du livre. Le cœur de l’intrigue réside dans les relations entre le trio amoureux, mais le lecteur achoppe sur une hésitation : quel rôle alors pour la vie de Marlowe, est-ce un simple prétexte à cette fusion amoureuse ? Voici un bien étrange objet littéraire, à la fois roman érotique, conte onirique, roman historique et roman d’éducation.

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