Yuli
d’Icíar Bollaín
Biographie, Drame, Musique
Avec Carlos Acosta, Santiago Alfonso, Keyvin Martínez
Sorti le 17 juillet 2019
Parfois le talent n’est pas une bénédiction. Mais Pedro Acosta n’est pas de cet avis là. Selon ce fils d’esclave qui ne connaît que l’insalubrité de la banlieue havanaise, le génie doit être encouragé lorsqu’il peut ouvrir les portes d’un avenir meilleur. C’est ainsi que son fils, le petit Carlos Acosta, qui aime imiter les chorées de Michael Jackson pour frimer devant ses copains de l’école buissonnière se retrouve à passer le concours d’une prestigieuse école de danse. Et si les jurys perçoivent dans les mouvements de Carlos une certaine habileté, ils comprennent aussi que l’enfant qui rêve de devenir footballeur ne porte aucun intérêt au ballet. Mais sévère et résolu, Pedro va baliser l’avenir de celui qui deviendra l’une des plus brillantes étoiles de la danse.
Yuli raconte une histoire vraie qui, comme toutes les histoires vraies, s’inscrit dans un contexte politique et socio-économique. Et c’est encore plus certain dans ce cas-ci car, comme le dira Carlos Acosta lors d’une interview, ce biopic parle avant tout de Cuba. C’est le paradoxe d’un pays, éclatant de couleurs et de rythme et pourtant dévasté par la pauvreté et l’émigration de masse, que porte à l’écran la réalisatrice Iciar Bollain. En tension, Cuba chante et danse pendant que son peuple subit encore les conséquences de l’esclavage et du totalitarisme. La destinée de l’artiste est le résultat d’un héritage culturel marqué par la soumission.
Alors comment ne pas être sensible à cet enfant des rues, isolé par son talent, qui danse sa colère et sa peur ? Car la danse permet à celui qui la pratique d’exulter et à celui qui la regarde de recevoir. Et ça la réalisatrice espagnole l’a bien compris. Yuli se divise en trois temps : le premier raconte l’enfant et le deuxième l’adulte, interprété par Acosta en personne. Le troisième temps – dans lequel on voit Acosta mettant en scène la danse de sa propre histoire – entrecoupe le récit. Dans cette troisième partie, les émotions qui transpercent Carlos sont illustrées par les mouvements de corps et frappent le spectateur de plein fouet. C’était un travail risqué que de penser le film autour d’une cohabitation danse/récit – même si l’exercice n’est pas nouveau, on se souvient de Billy Elliott et plus récemment Black Swan – mais le pari en valait la peine car Yuli y gagne en sensibilité et en esthétique. Par le biais de la danse, Carlos raconte la relation compliquée qu’il entretient avec son père et la solitude de l’artiste qui parcourt le monde condamné à vivre loin des siens. Yuli est un beau film qui parvient à exprimer de manière très juste les tourments d’une vie et la portée d’une culture.