Le Festival OFF d’Avignon accueille chaque année plus de 1500 spectacles dans les divers théâtres permanents et surtout éphémères qui s’installent dans le centre ville entièrement consacré au spectacle. Au milieu de ces nombreux spectacles, il est toujours difficile de faire un choix et la sélection se base souvent sur divers critères moyennement objectifs : une affiche dans la rue qui intrigue, une page au hasard prise dans le programme (véritable bottin téléphonique de pièces), un flyers donné par la troupe déambulant dans la rue ou plus simplement les sujets qui nous attirent le plus. Parfois ça paye mais tout n’est pas magique à Avignon et malgré la volonté de faire les meilleurs choix, on n’évite pas les mauvaises rencontres. Avec un peu de hasard et de chance, nous avons donc vogué de théâtres en théâtres. Retrouvez dans nos pages, le compte-rendu de nos aventures.
Une simple baignade à 13h55 à l’Espace Roseau Teinturiers
Déjà dans la file d’attente, on entend certaines personnes affirmer que « Vous verrez, la comédienne (Nathalie Mann) est vraiment magistrale ! ». On s’installe et nous voici transportés dans le salon d’une maison en bord de plage. La terrasse où traînent deux transats donne directement sur la mer. Un homme y attend justement. Cela fait dix ans qu’il n’a plus donné de nouvelles à la femme qui vient d’entrer. Depuis un accident, un enfant qui avait voulu profiter d’une simple baignade. C’est par une discussion tantôt colérique, tantôt triste que nous remontons à la source d’un amour qui s’est éteint. On y aborde de la simplicité quotidienne, de l’humour piquant et beaucoup de tendresse et d’espoir. On se laisse bercer par cette gentille dispute entre ces deux êtres qui se sont tant aimés. Un vent de douceur au sein d’un drame. Et effectivement, la comédienne est surprenante. Mais Hugues Leforestier qui lui donne la réplique n’en est pas moins bluffant de sincérité. C.M.
Notes :
Christophe Mitrugno : 7/10
La Leçon à 15h au Au Magasin Théâtre
Le temps est parfois venu de voir un classique. Et c’est Ionesco qui s’y colle et on décide d’aller voir La Leçon. Moins célèbre que La Cantatrice chauve ou Rhinocéros, La Leçon ne reste pas moins une sommet surréaliste et une dénonciation du totalitarisme, chère à l’auteur. On suit les leçons qu’un professeur érudit donne à une jeune bachelière. Le maître parle d’arithmétique et de philologie étranges et s’extasient pour des réponses pourtant simples jusqu’à en devenir inquiétant. Et quand Marie, la servante s’en mêle pour lui dire de se calmer, on se doute bien que c’est tout le contraire qui va arriver. Cette mise en scène de Bruno Dairou intrigue déjà par la distribution toute masculine. Distribution qui donner une absurdité en plus, les protagonistes hésitant eux-mêmes à savoir si ils s’adressent à un homme et une femme. Les comédiens sont impeccables et les situations sont autant hilarantes qu’effrayantes. Une bonne manière de découvrir cette oeuvre de Ionesco. L.S.
Notes :
Loïc Smars : 7/10
Le Mensonge de maman à 15h50 au Théâtre du Rempart
Une mère meurt en mettant au monde son fils, Nicolas. Georges, le père, se sent coupable de cette disparition. Et il est convaincu qu’un enfant ne peut se passer de sa maman. Il lui vient donc l’idée totalement farfelue de se faire passer pour son ex-femme. Lui, gardien de parking, moustachu bedonnant et sans aucune féminité, il devient la maman. Un mensonge qui va suivre toute l’éducation de son fils. L’idée est absurde et grosse comme une maison, mais elle marche ! On rit, de joie, de compassion, de tendresse et surtout parce que c’est une jolie histoire. Le public a envie d’y croire et de donner la main à ce père un peu maladroit lorsque son petit Nicolas lui pose des tonnes de questions. Il va falloir être imaginatif, mais pas trop. Bien entendu, la question de l’identité sexuelle de l’enfant est posée et on prend peur que cela ne se transforme en débat. Mais par chance, c’est évité. Nous restons dans la simplicité poétique de cette fable, du début à la fin. C.M.
Notes :
Christophe Mitrugno : 8/10
Curé le jour, athée la nuit à 17h45 au Théâtre de l’Episcène
Pour les fidèles qui voulaient assister à une messe ordinaire prônant la grande bonté du Seigneur, ce n’était pas peut-être pas le bon endroit. Nous nous retrouvons au 18ème siècle, le curé, Jean Meslier, prêche la bonne parole. Ou du moins, ce qu’il considère comme bonne parole. Se basant des Saintes Ecritures, il va reprendre toutes les convictions de la Foi pour démontrer les raisons de son athéisme profond. La journée, il bénit ses ouailles dans sa modeste église qui tombe en morceau et la nuit, il rédige ses pensées blasphématoires. Et puisque le public semble confus, il argumente chacune ses certitudes d’exemples précis, quelques fois connus de tous, ou plus anecdotiques. Son discours est déterminé et ne laisse plus de place au doute. Et très vite, ce curé de village devient moralisateur, il pointe du doigt ces sectes qui nous gouvernent par-delà les religions et ces sociétés qui nous enferment sous l’autorité des Rois autoproclamés. On ne peut pas sortir de là sans garder quelques questionnements spirituels en tête. Et c’est ainsi que Meslier créa l’athéisme… C.M.
Notes :
Loïc Smars : 6/10
Christophe Mitrugno : 6/10
L’histoire du communisme racontée pour des malades mentaux à 22h05 au Théâtre de l’Oulle
Après avoir été confronté à de multiples relâches imprévues ou autres spectacles complets, on réserve directement nos places pour ce spectacle intriguant. Le texte de Matéi Visniec raconte l’arrivée du poète officiel Iouri Petrovski dans un hôpital psychiatrique de Moscou, la veille de la mort de Staline. Il a pour mission de guérir les malades mentaux en leur racontant l’histoire de la grande révolution socialiste d’octobre. La pièce ne se veut évidemment pas un manifeste contre les asiles psychiatriques en URSS mais bien un brûlot contre le communisme et surtout Staline. Le personnel de l’hôpital est outrancier, violent, caricatural. Les patients sont des clowns, musiciens, rêveurs, etc. C’est en leur apprenant les bienfaits du communisme que l’on s’aperçoit que les vrais fous ne sont pas ceux qu’on croit. L’utilisation de l’univers du clown pour la mise en scène de cet univers rend service à ce texte surréaliste et pourtant si juste. L’histoire du communisme racontée pour des malades mentaux est 1h30 de pure folie comique et absurde où on en sort pas toujours très certain de ce que l’on vient de voir. Où la réflexion commence quand on quitte la salle. L.S.
Notes :
Loïc Smars : 9/10
Christophe Mitrugno : 8/10
Loïc Smars et Christophe Mitrugno