Qui a tué Lady Winsley ?
de Hiner Saleem
Policier, Comédie
Avec Mehmet Kurtuluş, Ezgi Mola, Ahmet Uz
Sorti le 3 juillet 2019
Si le cinéma turc nous est généralement peu familier – autrement que par les déclinaisons loufoques de grandes licences revisitées dans des versions nanardesques et aujourd’hui cultes telles que Turkish Star Wars ou Turkish Superman –, voici que le réalisateur kurde Hiner Saleem nous revient avec une enquête policière digne d’Agatha Christie.
Suite à la mort de la célèbre romancière américaine Lady Winsley, le détective Fergan sera envoyé d’Istanbul pour mener l’enquête sur les circonstances entourant la disparition de l’auteure à succès. Sur une petite île située au large du Bosphore, l’enquêteur sera confronté aux secrets d’une population désireuse de maintenir son insularité et de ne pas voir remuer le passé, tout en maintenant ses traditions et la primauté des rapports familiaux.
D’entrée, Qui a tué Lady Winsley ? assume ses influences, livrant un générique légèrement vintage, quelque part entre James Bond, OSS 117 ou encore la série de films de la Panthère rose. Continuant dans cette logique, les premières séquences présenteront quelques passages chorégraphiés faisant songer aux films de Jacques Demy.
Dans cette dynamique presque rétro, l’inspecteur Fergan sera inévitablement vêtu d’un imperméable beige, comme une façon de perpétuer l’image presque caricaturale de l’enquêteur telle qu’on la trouvait dans les romans de Raymond Chandler ou plus tard encore dans des séries à succès telles que Columbo ou Derrick.
Si ce nouveau film de Hiner Saleem constitue une enquête classique, il réussit néanmoins à entretenir l’intrigue durant suffisamment de temps sans que le spectateur ne parvienne toujours à identifier le coupable. Mais derrière cela, Qui a tué Lady Winsley ? s’avère finalement être une subtile satire sociétale, dénonçant la mentalité en place dans certains petits villages isolés et attachés à leurs traditions.
Ainsi, Fergan se heurtera bien souvent à la pression d’un groupe de « patriarches » peu enclins à renoncer à leur autorité face à un étranger venu de la Capitale. Le détective devra donc s’imposer tout en redoublant de subtilité face à la mentalité statique des habitants du village, à l’omniprésente Omerta et à la force des rapports familiaux qui entraveront bien souvent son enquête. Dans cette logique, les passages chorégraphiés permettront de souligner le fait que cette microsociété vit au rythme de ses patriarches qui font la pluie et le beau temps, et que Fergan est de nature à dérégler cette mécanique.
Outre cela, le fait de situer l’intrigue dans un petit village insulaire vivant au ralenti selon un modèle patriarcal permet au réalisateur d’aborder le conflit entre Kurdes et Turcs, intégrant ainsi un versant politico-historique à son film.
Ainsi, si Qui a tué Lady Winsley ? ne se démarque pas particulièrement sur sa réalisation ou son scénario, le lieu de l’intrigue et le caractère des protagonistes donneront une dimension intéressante à cette nouvelle production, montrant comment le repli sur soi-même et les secrets peuvent mener à l’implosion d’un modèle sociétal.