L’homme qu’on aimait trop
d’André Téchiné
Drame
Avec Guillaume Canet, Catherine Deneuve, Adèle Haenel, Jean Corso, Judith Chemla
Sorti le 23 juillet 2014
Critique :
D’abord, il y a Agnès Le Roux (Adèle Haenel), une fille de (très) bonne famille monégasque fraîchement divorcée qui rentre à la maison après quelques années en Afrique. Il y a Renée (Catherine Deneuve), sa mère, en patronne du fameux casino, Le Palais de la Méditerranée ; il y a le bel avocat, Maurice (Guillaume Canet), qui veille sur les intérêts de la mère et devient ami, puis amant, de la fille. Tous deux commencent à en avoir marre de Renée, qui refuse d’engager Maurice en tant que directeur des jeux et qui ne se décide pas à racheter les actions d’Agnès. Ils se rapprochent alors d’un patron de casino mafieux qui lorgne sur le casino des Le Roux et qui accepte d’offrir une grosse somme à Agnès à condition qu’elle vote contre la reconduction de sa mère à la tête du Palais…
Le premier problème avec L’homme qu’on aimait trop, inspiré d’un fait-divers qui a agité la Riviera à la fin des années 70, c’est qu’au bout de deux heures, on n’a toujours pas compris de quoi avait voulu parler André Téchiné : d’une énigme irrésolue ? De l’influence mafieuse sur la Côte d’Azur ? Des relations mère-fille ? De la passion amoureuse, peut-être ? Quelle qu’ait été l’intention du réalisateur, de toute évidence, ça ne marche pas. À cette histoire, on ne croit tout simplement pas une seconde : l’avocat, supposé irrésistible et sulfureux, a le magnétisme d’une huitre ; Agnès, jouée par Adèle Haenel, est beaucoup trop rugueuse pour être crédible en amoureuse éplorée de ce collectionneur de maîtresses fade ; le très méchant patron de casino à l’accent corse est complètement invraisemblable. Seule Catherine Deneuve est crédible dans son rôle de grande bourgeoise, mais l’ensemble du scénario est si mal ficelé qu’on se fiche à peu près de tout ce qui peut lui arriver – et pourtant là-dessus Téchiné n’a pas lésiné, puisqu’elle perd en peu de temps sa limousine, son Palais, et sa fille. Dans l’ensemble, les dialogues, les relations, la réalisation, tout sonne faux, pour un film de bout en bout plat, long et convenu.
On a l’impression fâcheuse que le cinéaste fait tout pour empêcher le spectateur de s’installer dans son film : dès qu’il paraît donner du corps à son récit , en nous plongeant dans un genre ou dans une évocation, – le drame sentimental, le portrait d’un milieu –, il passe à autre chose, ruinant toute possibilité de cohérence, de profondeur et d’émotion, comme si son sujet l’ennuyait – et à vrai dire, en ce qui nous concerne, ce n’est pas faux. On est désolé d’une telle irrévérence, mais on donnerait presque à Téchiné les mêmes conseils qu’à un très grand nombre de réalisateurs vus au BIFFF : jeune homme, applique le principe « un film, une idée », creuse quelque chose, et montre nous ce que tu as dans le ventre !
Mais comme il n’est pas là pour nous entendre et que le film dure deux heures, on se rattache à des détails : à Monaco, la mer est vraiment tout à fait limpide ; tiens, mes parents avaient le même téléphone dans les années 80 ; ça alors, une balle de gros calibre, ça a cette tête. Bon. C’est vraiment pour ça qu’on va au cinéma ?