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    Le phénomène Houellebecq : sexe, cynisme et profondeur d’analyse

    Y a t-il personnage plus détestable et délectable à la fois que Michel Houellebecq ? Le plus « bankable » des écrivains français nous tend un miroir déformant de notre société et comme des vieux enfants, on s’amuse à s’y regarder pour se faire peur et on en redemande.

    Mi-avril, l’écrivain Michel Houellebecq a reçu la Légion d’honneur lors d’une cérémonie à l’Élysée. Le Président Macron a salué en Houellebecq « un romantique dans un monde devenu matérialiste » et jugé que ses romans étaient non pas pessimistes mais « pleins d’espérance » dans une société dont les piliers, comme la culture ou la religion, étaient fragilisés. Le Suricate ne partage pas tout à fait cette opinion. S’il est vrai que Michel Houellebecq accorde une haute place à l’amour, il tend à le rendre quasi-impossible pour chacun de ses personnages, souvent voué in fine à la solitude pour avoir raté le train de l’amour, souvent à peu de choses près. Là où notre avis diverge, c’est sur le message d’espérance que porterait l’œuvre de Michel Houellebecq. Au contraire, ce serait plutôt un message de désespoir de l’homme occidental moyen pour qui la vie a perdu de sa saveur au niveau individuel et qui se sent dans une société sur le déclin au niveau collectif.

    Le romancier de 63 ans, l’un des auteurs français les plus traduits à l’étranger, a fait un carton avec son nouveau livre Sérotonine publié en janvier chez Flammarion.  La sortie du dernier roman de Michel Houellebecq n’est pas passée inaperçue, c’est peu de le dire. En effet, on a eu à faire à un fort matraquage publicitaire et il semblait de bon ton de lire Sérotonine pour pouvoir participer à la conversation lors des dîners en ville. Trop de bruit pour rien ? Oui ! Sérotonine est loin d’être son meilleur roman. Il raconte quasiment une absence d’existence, une vie faite à ressasser ce qui aurait pu être mais n’a pas été sur fond de délabrement corporel et de retour à la campagne. On l’a connu plus inspiré.

    D’ailleurs, quelles sont donc les recettes du succès de Michel Houellebecq ? Tout d’abord, c’est indéniable, une belle écriture fluide. Il sait parfaitement emporter son lecteur avec lui. Et puis, c’est aussi une écriture sans fard, qui aborde les sujets sans complexes ni tabous. Il vient nous toucher dans le rapport au corps et à l’intimité. Pour citer un extrait de Sérotonine : « j’avais besoin d’amour et d’amour sous une forme très précise, j’avais besoin d’amour en général mais en particulier j’avais besoin d’une chatte ». Oui, Michel parle de sexe à foison et d’une manière crue, qui titille son lecteur et le pousse dans ses retranchements.

    Sociologiquement, les romans de Michel Houellebecq sont toujours très informatifs, puisque son personnage principal (masculin), il le campe dans un milieu professionnel classe moyenne qu’il se plait à décrire et à décoder : l’enseignement dans Soumission, le tourisme dans Plateforme, l’agronomie dans Sérotonine, l’art et la police dans La Carte et le Territoire (pour lequel il a obenu le Goncourt). A l’heure où le travail et son sens questionnent fortement, ses incursions dans différents milieux professionnels donnent des clés de compréhension. Ainsi dans Plateforme, l’auteur trouve la synthèse du capitalisme libéral et de la sexualité libérée dans la le tourisme sexuel qui obéit aux lois du marché, où les avantages comparatifs jouent pleinement. Dans ce modèle, les Occidentaux échangent leur confort matériel contre une sexualité encore relativement pure et instinctive, préservée dans les pays pauvres, où règne par ailleurs la nécessité pour les nombreux jeunes en particulier, de lutter pour la simple survie.

    En bref, il met carrément les pieds dans le plat et n’hésite pas alterner cynisme, pointe d’humour et une analyse implacable de la société ainsi que de ses tenants et aboutissants. Puis, il n’hésite pas à s’engager sur des sujets difficiles ou qui divisent, tel que l’islamisation de la société dans Soumission. Dans ses interviews, il ne se cache pas de son mépris pour la religion musulmane, ni de son absence de croyance en dieu.

    A la fin de son dernier roman, Sérotonine, le personnage principal semble toutefois être touché par la grâce divine. Le message reste cependant imprécis, on aurait aimé que Michel soit plus direct, plus « Houellebecquien » en sorte, c’est un comble. D’après Wikipedia, Bruno Viard, universitaire spécialiste du romancier, indique que Michel Houellebecq est « hanté par le spectre de la disparition de la religion. Houellebecq ne croit pas en Dieu. Mais il affirme qu’aucune société ne peut survivre sans religion sous peine de suicide car, avec la famille, la religion répond à une nécessité sociologique essentielle qui est de relier les hommes et de donner un sens à leur existence. D’où son désespoir : l’idée d’un grand vide… »

    In fine, Michel Houellebecq ne semble pas avoir entrainé de suicides collectifs et après avoir lu un de ses bouquins, tout un chacun retourne vaquer a sa vie et aux plaisirs qu’elle lui donne et qui sont ressentis d’autant plus fortement, par contraste au caractère dépressif des personnages du romancier.

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