Hotel Mumbai
d’Anthony Maras
Drame, thriller
Avec Dev Patel, Armie Hammer, Jason Isaacs
Sorti le 1er mai 2019
Avec Hotel Mumbai, le réalisateur australien Anthony Maras revient sur les événements tragiques qui ont secoué l’Inde en novembre 2008.
Film sous haute tension, Hotel Mumbai opère un retour sur les attaques dramatiques qui se sont déroulées dans le prestigieux Taj Mahal Palace, hôtel assiégé et partiellement incendié par des membres du groupe salafo-jihadiste pakistanais Lashkar e-Taiba en 2008. Durant trois jours, en novembre de cette année-là, des attentats simultanés avaient frappé plusieurs lieux très fréquentés de Bombay (gare routière, hôpital, café, hôtels de luxe…) et avaient plongé le pays dans l’enfer. Au total, plus de 180 personnes avaient péri dans ce carnage.
Pour son premier long-métrage, Anthony Maras déclenche très vite la mécanique de l’horreur. Le temps de voir débarquer d’un bateau pneumatique, sur une plage polluée, une dizaine de terroristes en train d’écouter des prêches islamistes avec des oreillettes mobiles et de prendre des taxis différents pour rejoindre le centre-ville. Le temps de faire connaissance avec quelques invités et membres du personnel du luxueux hôtel Taj Mahal. Et déjà, dans un bruit assourdissant, les premiers fusils d’assaut se font entendre dans le quartier alors que nous ne nous sommes pas encore préparés mentalement à passer un séjour macabre en compagnie d’une poignée de bourreaux et d’innombrables victimes.
Inspiré du documentaire de 2009 Surviving Mumbai, le réalisateur australien a choisi, de manière efficace, de mettre en scène une multiplicité de points de vue pour accentuer la dramatisation du film. Dans l’hôtel 5 étoiles où « l’hôte est un Dieu », un couple (Armie Hammer et Nazanin Boniadi) avec bébé et accompagné d’une babysitter (Tilda Cobham Hervey) viennent d’arriver ainsi qu’un sulfureux homme d’affaires russe (Jason Isaacs). Sur place, le service est assuré admirablement par Arjun, le poignant Dev Patel, sous l’œil expert d’Anupam Kher, saisissant de maitrise en tant que gérant de salle. Le récit inclut également deux policiers un peu dépassés par les événements mais qui tenteront d’atteindre la salle des caméras pour pouvoir neutraliser les terroristes, un couple de jeunes australiens qui rejoindra l’hôtel après avoir été grièvement blessé dans un café ainsi que l’épouse du garçon de salle Arjun qui suivra les événements de l’extérieur en direct à la télévision. S’ajouteront quatre terroristes lourdement armés qui arpenteront chaque recoin de l’hôtel, constamment en ligne avec leur mystérieux frère « Bull » pour recevoir des instructions insidieuses.
Avec la thématique de l’enfermement, Anthony Maras parvient à maintenir constamment la tension et rendre son film anxiogène car les intrigues secondaires, en apportant différents rebondissements, forcent le spectateur à se mettre au centre d’une tragédie. On n’oubliera pas de sitôt la scène effroyable où les réceptionnistes ont été forcées, armes braquées sur la tempe, d’appeler chaque client pour qu’il ouvre sa porte d’entrée, feignant l’arrivée des secours, afin de faciliter le massacre.
Etrangement, les rares moments de baisse de tension proviennent de passages absurdes autour des terroristes. Tour à tour impitoyable puis pitoyable, le jeune extrémiste Imran fond en larmes (Amandeep Singh) en téléphonant à son père. Cependant, même si le film consacre de nombreuses scènes aux terroristes dans l’intention de les humaniser, il évite soigneusement tout commentaire politique. D’où viennent ces tueurs ? Quelles sont leurs motivations ? Leur psyché est très peu abordée dans le film. Par contre, leur stratégie de faire durer au maximum les attentats en prenant des otages pour avoir une large couverture médiatique et pour provoquer un sentiment de terreur est bien développée, notamment à l’aide d’images d’archives. Le film insiste aussi sur le dysfonctionnement de la cellule antiterroriste indienne. Située à New Delhi, à plus de 800 km de Bombay, l’équipe d’intervention mettra trois jours avant de décimer le commando de l’hôtel Taj Mahal.
Dans ce récit d’endurance, de survie et de courage, Hotel Mumbai n’oublie pas de mettre à l’honneur l’héroïsme du personnel à travers ses deux principaux interprètes d’origine indienne Dev Patel et Anupam Kher, formidables esprits de loyauté. Mais malgré cet hommage appuyé, il nous reste, à la sortie, un sentiment diffus mêlé de gêne, d’impuissance et de voyeurisme. La sensation de nous être divertis en ayant assisté à une nouvelle forme de film d’horreur du 21e siècle avec des détails insoutenables, des armes à feu et des cellulaires surchauffés, le tout sur fond d’histoire vraie.