auteur : Nicolas Michel
édition : Talents Hauts
sortie : septembre 2018
genre : roman jeunesse
Comment se reconstruire après la guerre ? C’est le sujet qu’aborde Nicolas Michel avec délicatesse dans ce roman destiné aux jeunes lecteurs. L’auteur prend pour point de départ un fait historique mais cependant méconnu : le naufrage en 1920 du paquebot l’Afrique qui a fait près de 600 morts. Parmi eux se trouvaient des troupes de tirailleurs sénégalais qui rentraient chez eux après avoir servi sous le drapeau français durant la première guerre mondiale. On nous conte comment Léon, 12 ans, et sa mère Mathilde recueillent Tierno, survivant de la guerre et rescapé de la noyade, dans leur modeste maison de l’île de Ré.
Cette fiction a l’originalité de se concentrer sur les ravages laissés sur les victimes oubliées du conflit : les soldats dits « indigènes » de cette époque coloniale mais aussi les orphelins et veuves de guerre. L’image de la plage des Baleines, désolée suite à la tempête et jonchée de débris du navire, est à cet égard éloquente.
Les trois personnages vont mener ensemble leur reconstruction dont la mémoire sera l’enjeu central. Le soldat, tout d’abord amnésique, recouvrira progressivement ses souvenirs. Non sans douleur. Il racontera ainsi par bribes la guerre qu’il a vécue à son jeune ami Léon. Ce dernier, privé du souvenir de son père qui n’est jamais rentré du combat et dont la seule évocation est taboue, écoutera avidement ces récits. En filigrane apparait la volonté de l’auteur de faire connaître et reconnaître les sacrifices des tirailleurs sénégalais, ces héros longtemps laissés aux oubliettes de l’Histoire.
A travers le regard du jeune garçon, on assiste au rétablissement de Tierno qui peu à peu révèlera sa personnalité et ses qualités humaines à ses hôtes. Le héros n’aspire qu’à redevenir le paisible et joyeux gardien de vache qu’il a été dans son village au Sénégal, tout en sachant que la guerre l’a profondément changé.
La beauté de cette histoire réside dans les liens très forts qui vont se tisser entre les protagonistes. Léon et sa mère, malgré un certain dénuement vont recueillir et soigner ce soldat étranger. Tierno va en retour les aider à accepter le décès de leur père et époux et à briser leur isolement. Le don de Mathilde des effets personnels de son mari au soldat est une touchante illustration de cette entraide dont va découler une amitié indéfectible.
Ce huis clos va s’ouvrir lorsque débutera l’enquête sur le naufrage de l’Afrique à laquelle Tierno sera invité à coopérer. Le trio fera bloc face à certains regards hostiles ou méfiants mais le soldat recevra également quelques témoignages de respect et de sympathie. La scène de l’interrogatoire permettra à Tierno de détailler le déroulement du désastre. On regrette que l’auteur ayant limité la narration à l’enfant et dans une moindre mesure au soldat, ne donne que des éléments très partiels sur les causes et le retentissement de cette catastrophe. Le personnage de Mathilde aurait également mérité d’être plus creusé.
Le chant noir des baleines garde néanmoins tout son attrait grâce à un sujet inédit et passionnant conté avec une grande sincérité. Il devrait plaire à un jeune public, plus intéressé par les histoires humaines surprenantes que par les grandes fresques historiques.