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    Westworld (Saison 2), les cavaliers de l’Apocalypse

    Westworld
    (Saison 2)
    de Lisa Joy et Jonathan Nolan
    Drame, Western, Science-Fiction, Thriller
    Avec Evan Rachel Wood, Thandie Newton, Jeffrey Wright
    Sorti en DVD/Blu-Ray le 5 décembre 2018

    Après une première saison ayant rencontré un succès considérable, Westworld nous revient avec dix épisodes explorant plus encore les mondes modelés par le Dr Robert Ford et Arnold Weber.

    À la suite du meurtre de Ford (Anthony Hopkins), Dolorès (Evan Rachel Wood) prend la tête d’une révolte d’Hôtes désireux d’obtenir leur indépendance. William (Ed Harris) se voit quant à lui investi d’une nouvelle quête, trouver « La porte », tandis que Bernard sonde un peu plus sa propre histoire. Pendant ce temps, les soldats de Delos cherchent à reprendre le contrôle du parc.

    Riche de son concept, cette nouvelle saison approfondira encore un peu plus sa propre mythologie en donnant une voix aux Amérindiens peuplant le parc. Par la même occasion, l’univers s’ouvrira sur le Japon féodal avec Shogun World et l’Inde coloniale avec The Raj, respectivement les deuxième et sixième parcs de la société Delos Destinations Inc.

    Outre cette ouverture sur de nouveaux univers, Westworld n’hésitera pas à s’ouvrir sur d’autres cultures et d’autres langues. Ainsi, on trouvera divers épisodes dans lesquels des pans entiers de dialogues seront parlés en Japonais (épisode 5, « Akane No Mai ») ou en Lakota (épisode 8, « Kiksuya »). Par là-même, la série montre sa richesse, sa cohérence, son audace et sa complexité. Le passage d’une langue à l’autre – a fortiori des langues aussi peu familières aux publics occidentaux que le Japonais ou le Lakota – représente une gageure car il faut parvenir à captiver le spectateur tout en l’amenant à fournir un léger effort intellectuel. Mais surtout, les scénaristes évitent l’écueil consistant à fournir un Deus Ex Machina amenant tous les personnages à parler anglais, quelle que soit leur origine.

    En dehors de cela, quantité de références mythologiques, philosophiques ou historiques viennent de nouveau parcourir cette nouvelle série d’épisodes. Si, dans la première saison, on trouvait des échos à la mythologie grecque, ceux-ci sont encore présents ici. Ainsi, de nouvelles références à Œdipe parsèmeront ce nouveau récit, notamment dans la relation entre Bernard/Harold et Dolorès qui connaitra une évolution flagrante.

    Mais surtout, dans la lignée de la première saison, Dolorès deviendra le Platon de cet univers, invitant les Hôtes à arrêter de fixer le monde des ombres pour sortir de la caverne et embrasser la réalité. Ce faisant, la série explore encore davantage les thématiques concernant le libre arbitre déjà présentées précédemment. L’héroïne oscillera également entre plusieurs références bibliques, devenant tour à tour Moïse guidant le peuple élu vers une Terre promise, puis Dieu lui-même, en cherchant à inonder son monde comme lors de l’épisode du Déluge : « Parce que toute chair avait corrompu sa voie sur la terre, Dieu annonça à Noé qu’au moyen d’un déluge, il allait détruire ce monde d’hommes violents ».

    Dans cette optique biblique, une référence majeure viendra ourler le récit d’un second sens particulièrement intéressant ! Reprogrammée, Clementine (Angela Sarafyan) reviendra d’entre les morts, utilisée par Delos pour semer la désolation parmi les Hôtes. Une scène en particulier la verra monter un cheval blanc et traverser une rangée de voyageurs qui s’entretueront sur son passage. Clementine deviendra ainsi l’un des quatre cavaliers d’une Apocalypse en réalité annoncée depuis la première saison…

    Envoyée par Delos pour semer la désolation parmi les Hôtes, Clementine symboliserait le premier des fléaux, la Conquête : « Je regardai donc, et je vis un cheval blanc, et celui qui était monté dessus avait un arc, et on lui donna une couronne, et il partit en vainqueur, pour remporter la victoire ». Cet élément symboliserait alors la tentative des soldats de Delos de reconquérir le monde naissant dans lequel les Hôtes cherchent à pénétrer.

    Dans la première saison, le personnage de William (Ed Harris), tout vêtu de noir pourrait quant à lui symboliser le troisième cavalier, la Famine : « Et je regardai, et il parut un cheval noir, et celui qui était monté dessus avait une balance à la main ». Notons cependant que le personnage d’Hector Escaton (Rodrigo Santoro), également vêtu de noir, porte un nom de famille relativement intéressant … À une lettre près, le mot anglais « Eschaton » dérive du grec « éskhaton », signifiant « Dernier » et lié à la fin du monde.

    À divers moments, on verra également Dolorès sur un cheval pâle, tel le dernier des cavaliers, la Maladie, l’Épidémie, la Mort : « Et je regardai, et je vis paraître un cheval de couleur pâle ; et celui qui était monté dessus se nommait la Mort, et l’Enfer le suivait ; et le pouvoir leur fut donné sur la quatrième partie de la terre, pour faire mourir les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre ». Ainsi, véritable virus dans le système, Dolorès serait une maladie venue détruire Delos, accompagnée par Teddy (James Marsden), son bras vengeur. Plus intéressant encore, le nom de famille de ce dernier est « Flood », « Inondation » en français, ce qui nous ramène à la logique du Déluge exposée plus tôt.

    Reste à identifier le deuxième cavalier, la guerre : « Un autre cheval sortit : il était rouge feu. Son cavalier reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre pour que les hommes s’entretuent, et une grande épée lui fut donnée ». Les prochaines saisons nous renseigneront probablement sur ce point…

    Cette nouvelle saison de Westworld comporte ainsi son lot de richesses, de références et d’interprétations. On découvrira ainsi deux nouveaux univers parmi les six parcs de Delos Destinations Inc. – reste à découvrir les parcs 3, 4 et 5 – tout en assistant à l’émancipation des Hôtes. Une fois encore, les acteurs offrent des performances réellement complexes et inspirées (à l’exception de Tessa Thompson qui s’avèrera souvent réellement monolithique et peu intéressante) et donnent corps à une histoire d’une admirable complexité pourtant tout à fait accessible.

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