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    Girl, la sensation belge de Cannes

    Girl
    de Lukas Dhont
    Drame
    Avec Victor Polster, Arieh Worthalter, Valentijn Dhaenens, Katelijne Damen
    Sorti le 17 octobre 2018

    À Cannes, où il était présenté dans la section Un Certain Regard et d’où il est reparti avec une foultitude de prix institutionnels ou parallèles – Prix d’interprétation pour Victor Polster, Caméra d’Or, Queer Palm – le premier film du flamand Lukas Dhont a bénéficié d’une rumeur plus que positive et provoqué un emballement inconsidéré, principalement dans les médias belges, fort contents d’avoir là leur petite sensation cannoise nationale. Il faut dire que le film interpellait d’emblée par son sujet, puisqu’il suit le parcours de Lara, une jeune transgenre, au moment où elle démarre un traitement hormonal pour devenir une fille aux yeux du monde, tandis qu’elle entre simultanément dans une prestigieuse école de danse. Ce sujet a d’ailleurs valu à Lukas Dhont de se voir comparer à Xavier Dolan, raccourci qui s’avère finalement aussi facile que mensonger. Car les partisans de Dolan ne peuvent que déchanter à la vision du film, tant il y a de différences entre le cinéma de celui-ci et la vision nettement plus naturaliste proposée par Girl, lequel applique in fine un programme extrêmement classique : l’application d’un sujet de société au cas particulier d’un personnage de fiction dont on observe les réactions au contact des situations et de la société en règle générale.

    Après avoir compris lors des premières minutes du film, que celui-ci embrasse une démarche naturaliste plutôt qu’un véritable point de vue d’auteur sur son sujet qui serait dès lors transcendé par une recherche esthétique, on se rend également compte que celui-ci enchaîne de manière linéaire des scènes « à faire » : Lara prend son petit déjeuner, Lara dans le métro, Lara devant son miroir, Lara dans le vestiaire, Lara dans la salle de danse, etc. On redoute dès lors que le film s’achemine vers d’autres passages obligés du film à sujet, à savoir des scènes chocs, dans lesquelles Lara serait la proie de la société, rejetée par sa famille, humiliée par ses camarades de classe, etc. Heureusement, le film semble dans un premier temps vouloir s’éloigner de cette ligne-là, plaçant son personnage principal, avec une certaine bienveillance, dans un milieu favorable à son épanouissement. Malheureusement, le film ne se tient finalement pas à ce premier élan et, dans sa seconde partie, saute à pieds joints dans ce qu’il semblait d’abord vouloir éviter. Il y a donc bien une scène d’humiliation publique, puis un long parcours du combattant pour s’acheminer vers un final proche de la claque administrée perversement au spectateur, même si ce dénouement coup-de-poing se meut in extremis en « happy-end »

    Et c’est dans ce final ambigu que ce situe précisément le principal problème de Girl, car il apparaît dès lors comme un but ultime. En regard de celui-ci, tout le film semble n’exister que pour lui. Alors que le film s’applique premièrement à dépeindre des personnages et des situations complexes, afin de restituer le sujet qu’il aborde dans toutes ces subtilités, la fin ne fait que réduire la problématique à un seul acte fort : se débarrasser avec fracas de l’emblème la plus apparente de la masculinité. Si l’on peut donc déplorer la perte de toute subtilité au profit de l’allégorie lourdingue, il faut tout de même reconnaître que cette fin fait de Girl un objet en plein dans l’air du temps, puisqu’il affiche clairement la volonté d’en finir avec le règne du masculin au cinéma. Un tel film ne pouvait que faire sensation.

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