Depuis les attentats de Paris et de Bruxelles, le monde artistique s’est emparé du sujet très délicat du terrorisme. Si certains ont choisi de le traiter sur un ton dramatique, d’autres ont choisi la voie de l’humour et de la comédie. Ce dernier angle, c’est celui adopté par les anciens comédiens de la pièce à succès « Sois Belge et tais-toi » dans « Niveau 5 », un vaudeville à la Feydeau qui vire à la comédie de moeurs.
Rencontre avec son metteur en scène, Alexis Goslain.
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« Niveau 5 », c’est l’histoire de deux couples bloqués dans un appartement suite à une alerte terroriste de niveau 5. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
Oui, ce sont deux couples très différents qui se réunissent pour réserver des vacances communes. L’un est plus prolétaire, middle class, et l’autre est un couple de nouveaux-riches, dont la femme, avocate, prend le premier couple de haut puisque ce sont surtout les amis de son compagnon. Ils se connaissent donc sans se connaître, ce qui va compliquer les choses. Tout à coup, quelqu’un appelle pour leur dire qu’il y a une alerte de niveau 5, c’est-à-dire qu’un djihadiste est en fuite. Cela devient alors une foire aux préjugés, à la bêtise, à la lâcheté… surtout de la part des deux mecs. « Niveau 5 » est en fait un prétexte pour découvrir le vrai visage de chacun des personnages.
Une sorte de lutte des classes ?
Oui. En tout cas, il y a un côté très prétentieux chez les nouveaux-riches. D’un côté, on est amis, mais je te regarde quand même de haut et je me moque de toi. C’est du mépris latent et ordinaire, un peu comme le racisme. {…} C’est très jouissif de faire jouer des cons, comme dans les films de Francis Veber où il y a le con et les autres, puis les rôles s’inversent à la fin. C’est le même principe ici.
Peut-on qualifier cette pièce de vaudeville ?
Oui, parce que François Dumortier (NDLR : auteur de la pièce) aime – comme moi – la comédie et surtout, la manière de la raconter. On est donc plus sur du boulevard, de la comédie, du populaire… une étiquette de comédie pas très sérieuse. Mais il se fait que « Niveau 5 » est justement une comédie sérieuse. L’air de rien, si on gratte un peu, on joue sur des thématiques comme la tolérance, le respect, l’intériorité des choses, l’ouverture aux autres,…
Est-ce que le vaudeville, ou la comédie plus largement, est le genre idéal pour faire passer un message plus facilement ?
Je le pense oui. Personnellement, je n’ai pas besoin d’un copié-collé de l’actualité, j’ai besoin d’un autre prisme. J’ai aussi envie de rêver, de m’évader. J’ai déjà assez d’images, trop d’images. On est bazardé d’images. {…} C’est peut-être plus subliminal comme message, mais je pense que c’est efficace. Maintenant, cela dépend de la sensibilité de chacun.
La troupe, dont vous-même, est issue en grande partie de celle de « Sois Belge et tais-toi ! ». Peut-on dès lors d’attendre à une pièce très politique ?
Pas du tout. Nous sommes tous partis de « Sois Belge », sauf les deux filles (NDLR : Elsa Erroyaux et Stéphanie Coerten) qui se sont faites virées. L’idée n’était donc pas de marcher sur les plates-bandes de « Sois Belge ». On est dans quelque chose de très différent et on ne cible pas les mêmes publics, même si ça brasse large.
Etait-il facile de récupérer une équipe rodée à un autre style théâtral ?
L’idée vient d’eux ! En réalité, ils souhaitaient faire autre chose. Ils ont alors lu plusieurs pièces, mais ils n’en trouvaient pas. C’est alors que François est venu vers eux en disant avoir un pitch. C’était juste après les attentats. Cela leur a plu et François s’est alors mis à écrire la pièce pour eux, sauf un personnage pour lequel on a pris un comédien extérieur. Mais effectivement, c’est un tout autre exercice, avec du jeu d’acteur, de la finesse, de la technique. La comédie, c’est du rythme et de la rigueur.
« Niveau 5 » sera jouée du 31 octobre au 16 novembre 2018 au Théâtre Saint-Michel, puis en tournée dans toute la Belgique (plus d’infos et réservations en cliquant ici).