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    Au temps où les Arabes dansaient : être artiste en terre d’Islam

    Au temps où les Arabes dansaient

    de Jawad Rhalib

    Documentaire

    Avec Mourade Zeguendi, Sachli Gholamalizad, Hiam Abbass, Farah Bakkali

    Sorti le 26 septembre 2018

    Au temps où les Arabes dansaient est un film documentaire sur la difficulté des artistes de culture musulmane à vivre leur passion dans une société contemporaine de plus en plus influencée par le conservatisme et l’extrémisme religieux. Le réalisateur bruxellois Jawad Rhalib, d’origine marocaine, a choisi pour illustrer son propos de suivre le destin d’une poignée de danseurs, de chanteurs et d’acteurs, en Afrique du Nord (Maroc), au Moyen-Orient (Égypte, Iran), et en Europe (France, Belgique).

    La nostalgie des années 1960

    Les sociétés musulmanes des années 1960 et 1970, fraîchement sorties de la décolonisation, ont connu d’importantes vagues de libéralisation dans le domaine artistique. C’était l’époque de gloire de la chanteuse libanaise Fairuz. Les femmes pouvaient alors sortir dans la rue les cheveux lâchés et se montrer dénudées, en robe courte ou en bikini, sans risquer la condamnation. En distillant des images d’archives de cette période tout au long de son documentaire sur les artistes d’aujourd’hui, Rhalib souligne la régression spectaculaire opérée ces quarante dernières années dans un grand nombre de sociétés musulmanes. Le discours prononcé par le président égyptien Nasser en 1953, dans lequel il ridiculise la demande des Frères musulmans de faire porter le voile aux femmes en public, a aujourd’hui une résonance particulière, alors que le port du hijab reste obligatoire en Iran et dans plusieurs autres pays du Moyen-Orient. Le désir de cacher les corps explique en effet le rejet particulièrement virulent par les religieux extrémistes des arts mettant en scène le corps comme la danse et le théâtre. Des traditions pourtant anciennes comme la danse orientale sont ainsi désormais associées à l’influence de l’Occident, synonyme de corruption des mœurs.

    « Pour eux, une danseuse, c’est comme une prostituée »

    Les artistes d’aujourd’hui témoignent de la difficulté de pratiquer leur art en plein jour sans risquer l’ostracisme, voire sans mettre leur vie en danger. Comme le souligne Farah Bakkali, professeure de danse orientale en Belgique, pour certains musulmans, le mot « danseuse » est une insulte, au même titre que « prostituée ». Dans ces conditions, faut-il rester discret pour se protéger et protéger la réputation de ses proches ? Ou faut-il refuser toute censure et vivre son art en toute liberté quoi qu’il en coûte ? Lors de la répétition d’une pièce de théâtre, l’acteur belge d’origine marocaine Mourade Zeguendi s’interroge : Peut-on parler du prophète Mohammed tout en montrant un homme nu sur scène sans risquer de susciter la colère des extrémistes ? La peur d’un nouveau « Charlie Hebdo », la peur des menaces envers les proches, la peur de perdre le droit de voyager dans son pays d’origine… Autant de peurs partagées par ces artistes arabes et/ou musulmans qui doivent en permanence négocier leurs limites avec eux-mêmes, leurs familles et leurs collègues artistes.

    L’art comme vecteur de liberté et de solidarité

    Et pourtant, malgré la peur, tous refusent de renoncer à leur art et cherchent des moyens de concilier leur culture et leur croyance avec une forme d’expression qui constitue pour eux un élément essentiel de leur identité. En suivant le parcours de ces individus, hommes et femmes, à la recherche de ce compromis difficile, Au temps où les Arabes dansaient questionne également le spectateur sur ses propres limites et sur la place de l’art par rapport aux questions de société. Le courage de ces artistes suscite d’autant plus l’admiration que chacun témoigne à visage découvert. Si les femmes souffrent d’une pression particulièrement forte quant à l’usage de leur corps et de leur voix en public, les hommes artistes ne sont pas épargnés. La solidarité entre artistes des deux sexes, bien illustrée dans le film, permet d’en extraire un message d’espoir et de tolérance. L’espoir que les arts du chant, de la scène et de la danse puissent à l’avenir rayonner de nouveau dans les pays arabes.

    Au temps où les Arabes dansaient a reçu le Prix du Public, meilleur film de la section Grand Angle, au festival Visions du réel de Nyon. Il a également été sélectionné pour la 43e édition du Festival international du Film de Toronto.

    Soraya Belghazi
    Soraya Belghazi
    Journaliste

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