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    Harrington : l’élégance façon McQueen

    Au rang des objets cultes du cinéma il en est que l’on ne voit pas toujours à l’écran mais qui, irrémédiablement associés à une célébrité, entreront au Panthéon des icônes du Septième Art. La Harrington est de ceux-là. Portée par non moins que James Dean, Frank Sinatra, Elvis Presley ou Steve McQueen, cette veste mythique qui vient de fêter ses quatre-vingt-un ans a traversé les âges, changeant de « personnalité » au gré des décennies sans jamais prendre une ride.

    Durant l’année 1937, à Manchester, les frères John et Isaac Miller – fondateurs de la société Baracuta – créèrent un blouson léger caractérisé par des manches et un tour de taille élastiques, une coupe légèrement bombée et un col montant orné de deux boutons. Dotée de deux larges poches latérales inclinées et profondes, cette veste était à l’origine destinée aux golfeurs et fut ainsi nommée « G9 ».

    L’année suivante, les deux frères allèrent à la rencontre de Simon Fraser, 15e Lord Lovat qui s’illustrera durant la Seconde Guerre mondiale au débarquement de Dieppe (19 août 1942) et plus tard encore au cours de la bataille de Normandie (6 juin 1944). Qualifié par Winston Churchill comme « le plus doux des hommes qui ait jamais sabordé un bateau ou tranché une gorge », Fraser était issu d’une lignée établie depuis le xiie siècle dans les Lowlands (Écosse). Après avoir rencontré ce dernier dans son château de Beaufort (en anglais, Castle Dounie, dans le comté d’Inverness), les Miller obtinrent du lord l’autorisation d’exploiter le motif tartan de sa famille pour doubler leur modèle G9.

    Malgré sa vocation primaire qui était d’offrir un vêtement léger et imperméable aux golfeurs, la Baracuta G9 récolta rapidement les faveurs de la classe ouvrière et de toute personne nécessitant de réaliser certains mouvements quel que soit le climat. C’est ainsi que le blouson se répandit au Royaume-Uni.

    Le rêve américain de la Baracuta G9

    À l’aube des années 1950, les frères Miller commencèrent à exporter leur produit aux États-Unis. Celui-ci séduit rapidement les Américains en raison de sa coupe qui rappelait fortement celle des Bomber Jackets portés par les pilotes durant la Seconde Guerre mondiale ou la Guerre de Corée.

    Il ne fallut pas attendre longtemps après l’arrivée de la G9 aux États-Unis pour que celle-ci devienne un élément représentatif des jeunes générations en rébellion. L’apparition d’Elvis Presley revêtant un modèle beige dans King Creole (1954) et, surtout, celle de James Dean et son blouson rouge dans La fureur de vivre l’année suivante établirent la réputation de la Baracuta.

    Cette réputation fut cimentée le 12 juillet 1963 lorsque Steve McQueen, le King of Cool en personne apparut en couverture de Life Magazine revêtant un modèle « stone ». La Baracuta ne disposant pas de coutures au niveau des épaules afin de faciliter les mouvements, McQueen en était un grand amateur. Par la suite, il apparut souvent revêtant des vestes de ce modèle, que ce soit sur les photographies prises par son ami William Claxton ou en 1968 dans le film L’affaire Thomas Crown de Norman Jewison. En 1966, ce fut encore au tour de Frank Sinatra d’arborer la G9 dans le film Le hold-up du siècle de Jack Donohue.

    Mais cette coupe confortable ne séduit pas uniquement les jeunes générations, et les services postaux, les livreurs et les forces de police adoptèrent tous un modèle similaire pour leurs uniformes. Plus encore, les étudiants de la Ivy League (association des huit universités les plus prestigieuses du nord-est des États-Unis) adoptèrent le blouson comme élément constitutif de leur style.

    De retour en Angleterre, la veste fut encore adoptée par certaines contre-cultures, notamment les Mods sur leurs scooters à la charnière des années 1960. Elle revint encore à la mode auprès des punks et des skinheads dans les deux décennies qui suivirent.

    Ainsi utilisée par les représentants de toutes ces cultures, la Baracuta G9 apparut encore sur les épaules de Topper Headon, batteur des Clash lors de leur concert à Times Square en 1981, ou chez Eric Clapton, lorsqu’il faisait partie des Yardbirds.

    Bien plus tard, on la verra encore chez Pete Doherty, Liam Gallagher, Razorlight ou Franz Ferdinand.

    La Harrington au cinéma

    Bien que popularisée sur grand écran durant les décennies 1950-1960, la Baracuta G9 n’a pas pour autant disparu de nos salles obscures. Dès lors, on aura pu voir le célèbre blouson dans plusieurs films ces dernières années.

    On verra ainsi un modèle beige et un modèle noir apparaître sur les épaules de Armie Hammer dans Agents très spéciaux : Code UNCLE de Guy Ritchie (2015). En 2011, c’est Jason Statham qui portera une Baracuta G9 beige pour le film Killer Elite. Bradley Cooper apparaîtra lui aussi revêtant le célèbre blouson dans le deuxième épisode de la trilogie Very Bad Trip. Le même modèle sera encore vu porté par Damian Lewis dans le film Stolen (2011). Même Superman ajoutera le blouson à sa garde-robe, et l’on verra ainsi Clark Kent (Christopher Reeves) porter un modèle beige dans le célèbre film de Richard Donner (1978). Enfin, Tom Hardy revêt ce même blouson dans le film La taupe (2011).

    Un modèle similaire sera aperçu dans le James Bond Quantum of Solace. Il s’agit cependant d’un modèle Harrington réalisé par Tom Ford et non pas d’une G9 originale. Daniel Craig a, par contre, souvent été vu portant le célèbre blouson, de même que l’acteur Martin Freeman, grand amateur de la célèbre marque.

    De Baracuta à Harrington !

    Mais pourquoi parler de Harrington si le nom de ce célèbre blouson est Baracuta G9 ? La raison est simple. Entre 1964 et 1969, la chaîne américaine ABC produit un soap opera totalisant 514 épisodes de 30 minutes et intitulé Peyton Place. L’un des personnages phares de cette série – incarné par l’acteur Ryan O’Neill – s’appelait Rodney Harrington et portait fréquemment un blouson Baracuta G9. En 1965, devant le succès de cette série, John Simons gestionnaire du Ivy Shop installé dans le sud-est de Londres eut l’idée d’exposer un modèle en vitrine accompagné d’un carton indiquant : « The Rodney Harrington Style ». Il n’en fallut pas plus pour que les clients réclament tous leur Harrington !

    Rodney Harrington (Ryan O’Neill) revêtant une Baracuta G9

    En 1985, un français eut l’idée de déposer officiellement le nom, créant la marque Harrington. La Baracuta G9 coexiste donc aujourd’hui avec le modèle Harrington plus abordable, bien que dépourvu de deux traits caractéristiques : le « back yoke », sorte d’ourlet dorsal destiné à faire ruisseler la pluie, et le motif tartan Fraser (les Harrington utilisent un tartan Royal Stewart). Depuis lors, de Ben Sherman à Fred Perry en passant par Tom Ford, le modèle « Harrington » a souvent été copié, mais rarement égalé !

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