auteurs : Bernard Lubat, Charles Silvestre et Roland Gori
édition : Actes Sud – LLL
sortie : avril 2017
genre : essai
« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. » René Char
Le Manifeste des œuvriers est un essai co-écrit par le psychanalyste et professeur Roland Gori, l’artiste Bernard Lubat et le journaliste Charles Silvestre. Plus que jamais témoin de l’échec du gouvernement français et de ses abus (intervention à la ZAD Notre-Dame des Landes, grève des cheminots), leurs propositions d’alternatives apparaissent bienvenues et nécessaires. Ce livret qui rappelle celui de Stéphane Hessel, Indignez-vous en 2010, est né suite au mouvement Nuit Debout, aux initiatives On vaut mieux que ça, mais surtout face aux indignations qu’ont suscité la Loi Travail et qui ne cessent de croitre depuis 2016.
Les auteurs proposent tout d’abord de redéfinir le sens et l’importance du métier pour modifier notre relation au travail. Un « retour à l’œuvre » est lancé : les métiers sont à réinventer et à réapprendre. La magistrature, le domaine médical, l’éducation, la culture, toutes ces professions « de l’humain » perdent aujourd’hui peu à peu de leurs valeurs. Initialement désireux de travailler pour l’égalité, l’aide ou l’engagement, il nous arrive trop souvent de trahir nos principes au profit de la survie, de l’argent ou de la compétition. Dans cet état capitaliste, le profit et la concurrence sont prioritaire au détriment de l’homme. Nous ne sommes souvent qu’un simple produit qui alimente le système. On peine à agir car notre marge de manœuvre est quasi-inexistante. Désœuvré, on perd notre force et notre intégrité. C’est pour cette raison qu’il faut estimer davantage l’ensemble des métiers, les faire exister et les humaniser en ne laissant aucun travail de côté, et ainsi leur rendre leur dignité. Le métier n’est pas un produit, il faut sans cesse le réinventer et le comprendre dans son individualité.
A eux trois, ils nous livrent une analyse très pédagogue, facile d’appréhension qui permet de comprendre mais aussi de se resituer lorsqu’on se sent déconnecté et impuissant face à l’actualité. C’est d’ailleurs ce qu’ils cherchent à éveiller : un sursaut de conscience, pour ne plus être un simple exécutant, mais au contraire se sentir concerné et actif. Le manifeste est à la fois individuel et universel et nous montre que l’un n’existe pas sans l’autre. Nous avons besoin de chacun et de chaque particularité. La résistance est un édifice auquel tout le monde doit joindre sa pierre. La lutte est notre œuvre la plus singulière, c’est à nous de créer notre travail et de revendiquer nos droits.
Alors que nos ancêtres se sont battus depuis 1936 pour l’acquisition de droits et de protections primordiales, ces derniers sont aujourd’hui constamment remis en cause : la justice des mineurs, la presse indépendante, la sécurité sociale, la retraite… Il est temps de réunir les générations en échangeant, afin de ne plus être dans la programmation et l’application automatique qui sont si éloignées de la réalité. Les normes, les règles à suivre et les restrictions s’avèrent contre-productives. On ne doit plus séparer la pensée de l’acte, l’artisan de l’intellectuel, mais les réunir pour qu’ils s’enrichissent. Le collectif et le coopératif sont aussi de précieux outils que nous oublions alors qu’ils sont au cœur du « vivre ensemble ».
A lire, et à distribuer autour de vous si le cœur vous en dit, car c’est bien de cela qu’il est question, de remettre le cœur et l’humain au centre. Œuvriers debout !