De Samuel Beckett, mise en scène de Michael Delaunoy avec Anne-Claire et Philippe Vauchel, du 17 avril au 09 mai au Théâtre des Martyrs. Crédit photo : Alessia Contu
« Oh il va me parler aujourd’hui, oh le beau jour que ça va être »
Winnie parle à Willie et se réjouit que ce dernier, par un mot ou un grognement ou encore un silence lui signifie sa présence. Le corps enterré jusqu’à la taille, la main dans son sac noir, elle égrène les objets de son quotidien comme ses mots, avec une minutie, une précision et un rythme obsédant mais attachant.
Dans Oh Les Beaux Jours, Samuel Beckett nous parle de la mort sans la nommer avec lourdeur. Il trace les contours de la faucheuse avec beaucoup d’ironie et de joie. Winnie, respire et son corps immobile est paradoxalement tendu par une pulsion de vie féroce. Sa taille enserrée, elle sort un à un les objets du sac noir qui contient toute sa journée : la brosse à dent, le petit miroir, le chapeau puis le revolver. A côté encore, le parapluie, qui la protège du soleil. Maintenant la surface plane lui a coupé le corps, elle n’est plus qu’une tête qui déclame et qui chante, peut être son chant du cygne ?
C’est un presque seul en scène, presque parce que Winnie ne dirait rien si Willie n’était pas là, fascinant dans sa manière de remplir l’espace et le temps. Et surtout une performance incroyable qui souligne très bien l’écriture ciselée de Beckett, soulignant son art du silence et du souffle. Anne-Claire est époustouflante dans son carcan, elle parvient à remplir, par une série de mouvements du corps et du visage, toute la scène.
Cette dernière se compose de lignes droites, épurées, des lignes de fuite pour mieux encadrer l’immobilisme de Winnie. C’est un choix intelligent car il renforce la dramaturgie du texte et permet aux acteurs de s’emparer de l’espace et de placer chaque mot avec justesse.
Oh Les Beaux Jours mis en scène par Michael Delaunoy est extraordinaire. D’apparence simple et aisé, le public sentira et appréciera tout le travail d’orfèvre derrière. Il serait dommage de passer à côté d’un texte qui se dépouille des fioritures du langage pour toucher à l’essentiel et il serait dommage de ne pas profiter de cette subtile scénographie qui rappelle à tous que l’art de la scène est un art d’équilibriste.