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    Centaure, cinéma libertaire et révolutionnaire

    Centaure

    d’Aktan Arym Kubat

    Drame

    Avec Aktan Arym Kubat, Nuraly Tursunkojoev, Zarema Asanalieva, Taalaïkan Abazova

    Sorti le 21 mars 2018

    Ancien projectionniste, Centaure vit avec sa femme sourde muette et son fils également mutique, dans une petite maison en dehors de la ville, au Kirghizistan. Témoin malgré lui de la perte progressive de la culture et des traditions kirghizes, il regrette le temps où l’homme kirghize ne faisait qu’un avec son cheval et que celui-ci lui « donnait des ailes » pour communier avec la nature. Tandis que les chevaux sont devenus une propriété et une marque de standing pour les riches propriétaires terriens, Centaure a comme credo de les libérer et de les chevaucher pendant la nuit, dans un acte gratuit de liberté révolutionnaire.

    Probablement l’un des seuls – voire le seul – cinéastes kirghizes à voir ses films être distribués dans nos contrées, Aktan Arym Kubat avait notamment fait parler de lui en Europe avec son avant-dernier film, Le Voleur de lumière, lequel entrait dans la catégorie de « films du monde » au parfum exotique qui trouvent parfois leur chemin jusqu’à nos salles, sans contextualisation quant au passif de leurs réalisateurs ou aux cinématographies nationales auxquelles ils appartiennent. La sortie de Centaure est donc l’occasion d’en apprendre un peu plus sur ce cinéaste – aussi acteur principal de son film –, également auteur d’une trilogie (La Balançoire, Le Fils adoptif, Le Singe) réalisée sous le nom d’Aktan Abdykalykov.

    Avec Centaure, c’est un témoignage à la fois assez désespéré et hautement métaphorique sur la situation actuelle de son pays et de sa culture que livre Aktan Arym Kubat, en mettant en parallèle la perte de contact des Kirghizes avec leur terre, leur culture, leurs traditions, et la montée en puissance d’un radicalisme religieux – représenté par des barbus croqués comme des personnages burlesques, influençant de manière subreptice la vie de la communauté.

    Le personnage de Centaure, son mode de vie reclus, sa famille mutique, et sa dimension libertaire, en font une sorte de figure révolutionnaire, d’empêcheur de tourner en rond dont le destin tragique presque inévitable s’accomplira pourtant de façon très apaisée, et avec un aspect de fable qui confère au film, in fine, une dimension quasi fantastique, avec pour tout le moins une place accordée à l’arbitraire, au petit « miracle ».

    Dans sa manière d’opposer ainsi à l’obscurantisme et à la perte des racines un élan libertaire en rapport avec la nature, Aktan Arym Kubat fait également intervenir le cinéma comme élément primordial de ce sursaut salutaire de liberté. Parmi les choses que Centaure veut absolument préserver de sa culture, outre la nature presque divine des chevaux ainsi que les contes et légendes du pays, il y a également un film patrimonial, La Pomme rouge de Tolomouch Okeev (1977) – emblématique et pris comme métaphore du cinéma kirghize dans son ensemble. D’ailleurs lorsque, vers la fin du film, Centaure le projette en plein milieu d’une réunion religieuse, c’est un véritable acte de résistance qu’il fait là, posant ainsi le cinéma comme un des derniers terrains de protestation possibles, et le « film » comme objet révolutionnaire.

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