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    Les Heures sombres, les premiers rugissements du Vieux Lion

    Les Heures sombres

    de Joe Wright

    Guerre, Drame, Historique

    Avec Lily James, Ben Mendelsohn, Gary Oldman

    Sorti le 17 janvier 2018

    Depuis la mort de Winston Churchill en 1965, près de 500 livres ayant pour sujet principal le plus célèbre Premier ministre britannique du xxe siècle sont sortis chaque année ! Le cinéma s’est bien entendu emparé de ce personnage passionnant et quantité de films ou séries télévisées mettant en scène le Vieux Lion sont apparus. Récemment, on peut par exemple citer Le Discours d’un Roi (2010), Churchill (2017) ou, à la télévision, des apparitions remarquées dans les saisons 5 et 6 de Doctor Who, la saison 1 de Peaky Blinders ou, plus récemment encore, The Crown.

    Alors qu’un projet supposé mettre en scène Kevin Spacey dans le rôle du britannique fut annoncé à partir de 2014 puis enterré pour les raisons que nous connaissons tous, c’est Gary Oldman qui a finalement eu l’honneur d’incarner celui-ci. Cette performance s’est d’ores-et-déjà vue gratifier d’un Golden Globe !

    Le 10 mai 1940, alors que les armées allemandes traversent la frontière belge, Winston Churchill est nommé Premier ministre d’Angleterre. Churchill ayant, au cour de sa longue carrière, commis un certain nombre d’erreurs – considérées comme impardonnables par bon nombre de parlementaires –, il lui faudra batailler pour s’imposer. Les Heures sombres raconte l’histoire de ce combat mené par le Vieux Lion durant une vingtaine de jours : depuis sa nomination jusqu’au Miracle de Dunkerque récemment porté à l’écran par Christopher Nolan.

    La très grande majorité des films concernant Winston Churchill souffrent d’un défaut majeur : ils cherchent généralement à mettre en exergue son rôle prépondérant au cours de la Seconde Guerre mondiale et en oublient bien souvent de présenter le personnage dans sa complexité. Les Heures sombres est probablement l’un des premiers films qui parvient à échapper à cette tendance hagiographique ! Churchill apparaît ainsi comme déterminé mais on le voit aussi soumis à des phases de doute au cours desquelles son épouse, Clementine, lui sera d’un grand secours – Kristin Scott-Thomas est ici merveilleuse ! Son alcoolisme et son côté obsessionnel seront également soulignés. Le portrait dressé reste tout de même flatteur, mais le film laisse malgré tout apercevoir un Churchill multi-facettes. Mais surtout, l’accent sera brillamment mis sur la façon dont le Premier britannique écrivait ses discours !

    En effet, Churchill mesurait parfaitement l’impact d’un exposé bien établi et ciselait chacun de ses discours pour que chaque mot possède une sonorité particulière, destinée à avoir un impact sur l’auditeur. C’est ici une chose souvent soulignée par Les Heures sombres et une facette du Premier ministre jamais exposée au cinéma.

    Par ailleurs, ce nouveau film de Joe Wright est parsemé de détails historiques subtils mais terriblement intéressants : par exemple, Winston Churchill n’est pas l’inventeur du V de la Victoire. Il s’agit d’une invention belge que l’on doit au journaliste Victor de Laveleye ! Ou encore, Churchill parlait terriblement mal le français, mais adorait s’essayer à la langue de Molière, étant pourtant peu souvent compris de ses interlocuteurs. Ces faits donneront lieu à nombre de séquences tout à fait amusantes !

    En somme, le portrait de Winston Churchill présenté dans Les Heures sombres est un portrait complet, complexe, sans réelles concessions. On y voit un Churchill insolent, coquin, passionné, démoralisé, alcoolique, on le montre dans le doute et on expose ses failles, s’éloignant par là-même de l’éternelle caricature si souvent présentée du Maître de Guerre infaillible.

    Bien entendu, cette complexité doit beaucoup à la performance de Gary Oldman qui offre ici une interprétation quasiment sans failles. Seul bémol : pour les besoins de l’intrigue, l’acteur aura dû faire preuve d’emphase dans sa façon d’incarner le Vieux Lion. Si l’on prend par exemple le célèbre discours « We Shall Never Surrender » qui figure dans la bande annonce, l’interprétation qu’en donne Oldman correspond peu avec le discours original, plus monocorde, plus posé. Mais il s’agit là d’un détail !

    Dans cette logique de « Trahison historique », plusieurs autres détails mineurs ont été changés pour les besoins du récit. Avant tout, une scène montrera le Premier ministre dans le métro. Il s’agit là bien entendu d’une invention, celui-ci ne s’étant essayé aux transports en commun qu’une seule fois en 1926, sans succès. La scène sert ici à relancer l’intrigue. Toutes sortes de citations avérées seront également placées dans le récit alors qu’elles n’ont pas été prononcées à cette époque ou par ces personnages. C’est notamment le cas du « Cessez de m’interrompre pendant que je vous interromps » figurant dans la bande-annonce qui fut en réalité prononcé en 1930, ou de la locution « Il a mobilisé la langue anglaise et l’a envoyée à la guerre » qui, dans le film est formulée par le vicomte Halifax alors qu’elle fut en réalité prononcée par le président Kennedy en 1963.

    Tout en tentant de raconter les faits aussi précisément que possible, Les Heures sombres prend donc de nombreuses libertés afin d’établir son récit. L’idée est en somme de raconter l’Histoire tout en racontant une histoire…

    Avant de conclure, il convient bien entendu de toucher un mot de la réalisation de Joe Wright. Si le réalisateur s’éloigne ici des costumes d’Anna Karenine et des drames bouleversants tels que Reviens-moi, il offre une réalisation quasiment parfaite, intelligente et subtile ! Les atmosphères mises en place sont tout à fait immersives et l’on trouve encore un magnifique travail sur les éclairages.

    Au final, Les Heures sombres s’avère être l’un des meilleurs films mettant en scène Winston Churchill, tout en parvenant à cerner le personnage dans sa complexité. L’intrigue est palpitante, le casting convaincant et la réalisation maîtrisée d’un bout à l’autre ! S’il faudra pardonner plusieurs libertés historiques, on se laissera tout de même emporter par le style et les fulgurances d’un être qui, malgré de terribles erreurs politiques, reste l’un des grands hommes du XXe siècle.

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