De et mis en scène : Jean-Michel d’Hoop avec Léone François Janssens, Léa Le Fell, Héloïse Meire, Corentin Skwara et Benjamin Torrini. Du 9 janvier au 3 février 2018 à 20h30 au Théâtre de Poche. Crédit photo : Véronique Vercheval
L’Herbe de l’oubli s’ouvre sur des projections, images de lieux abandonnés, désertés après la catastrophe de Tchernobyl. Les restes d’une poupée laissée là par un enfant, une fête foraine gisant telle quelle, des bâtiments vides… autant de fragments de vies passées, rompues par le drame. Ces images donnent le ton du reste de la pièce : silence, absence, vide laissé par les gens qui partent, brides d’existences passées ; une histoire racontée à travers le regard des gens qui l’ont vécue, et qui la vivent encore. Le manque d’information du gouvernement, le mal diffus, impalpable, silencieux et pourtant omniprésent, les animaux que l’on abattait à bout portant, les bâtiments vides.. et les gens qui n’ont pas pu partir, qui y vivent encore, et qui tâchent de faire au mieux entre les maladies, la fatigue, les souvenirs, et les consignes de sécurité.
Les témoignages sont incarnés par les comédiens, mais aussi par des marionnettes silencieuses qui parcourent la pièce. Des vidéos documentaires viennent entrecouper les récits. Un choix pertinent ici, qui permet de multiplier les points de vue et les témoignages sur cette même histoire. Et qui permet surtout de l’ancrer résolument dans le vécu, plutôt que dans les chiffres, les statistiques ou les faits. On vit l’Histoire de l’intérieur, telle que l’ont vécue les gens sur place. Au moment du salut, on a pu être surpris de ne voir que cinq comédiens sur scène, là où la succession de personnages, marionnettes, vidéos, faisaient croire à beaucoup plus.
Les récits sont choisis avec soin. Témoignages, mais aussi alertes sur le caractère universel et menaçant de ce drame. Ce n’était pas un accident isolé, nous explique la chargée de communication du site de Tchernobyl ; c’est un problème beaucoup plus grave que l’on laisse aux générations futures, et qui touche l’humanité toute entière. La pièce nous permet de nous identifier aux gens sur place, à leur vécu, leur tristesse, et comprendre ainsi avec plus de sensibilité la portée de la menace que peut représenter le nucléaire. Aussi, plus qu’une histoire, c’est une pièce engagée que nous propose la Compagnie Point-Zéro, une pièce-documentaire qui permet d’attirer l’attention sur cette menace silencieuse, cette « guerre sans bombardements » qui peut éclater à tout moment.
Certes, on compte certaines longueurs, parfois. Les témoignages se succèdent peut-être trop sans réelle transition, les procédés paraissent un peu répétitifs au bout d’une heure de représentation. Mais, dans l’ensemble, cela fonctionne. On apprend des choses, on comprend des choses, on s’émeut du quotidien de toutes ces personnes laissées pour compte en zone contaminée, on perçoit ce que ça pourrait être si ça venait à se généraliser. Pari gagné donc pour les cinq jeunes comédiens qui nous propose L’Herbe de l’oubli jusqu’au 3 Février au Théâtre de Poche.